Ils voudraient jeter aux lions nos iPod, Zen et autres nouveaux Walkman de Sony. Les « téléphones à musique » ont pourtant tous un sérieux problème – pas toujours le même -, parfois trop lourds, parfois trop lents, parfois trop compliqués, parfois trop fragiles. Analyse d’un drôle de marché qu’Apple doit regarder en se frottant les mains.

Révolue l’époque où le mobile servait à la voix et aux messages écrits. Désormais, nos cellulaires font des photos, dévorent l’Internet mobile, envoient des images, répertorient nos rendez-vous, les synchronisent avec nos ordinateurs portables, nos ordinateurs de poche, reçoivent des vidéos, retrouvent leur chemin, se dotent de processeurs puissants, vibrent autour d’un système d’exploitation, boguent beaucoup aussi, plantent, sans arrêt, mettent un temps fou à démarrer.

Les bons vieux « GSM » visent désormais à jeter aux corbeilles nos lecteurs de musique numérique, avec un très mitigé succès. Mais, sans jouer aux langues de vipère, ce désamour s’avère largement mérité !

J’observe, échoppe après vitrine, les modèles que le marché nous destine pour les fêtes de fin d’année. Je regarde mon flambant neuf Nokia N70, lui excluant toute prétention à remplacer l’iPod par son interface poussive et une manipulation archaïque des transferts de musique. Ma faute à moi, selon le vendeur : « Installez Windows sur votre Macintosh ! ». Sacrés vendeurs.

Je dessine, piètre concepteur d’un constructeur imaginaire, le téléphone idéal, celui qui répondrait enfin, sous le sapin, à toutes ces fonctions qu’on lui réclame, à des connectiques plus à la page, à une interface sans complexité inutile.

J’observe, dans une vitrine, le premier « iTunes Phone » de Motorola, le blanc sapin ROKR E1, un coup à l’eau, une pâle combinaison d’un modèle révolu à un USB lentissime pour remplir une carte mémoire un peu étroite. Je trouve davantage de qualités et d’intelligence au W800i, le fameux Walkman de SonyEricsson. Sans plus.

Je le dessine peu à peu, ce téléphone, qui disposerait d’une mémoire vive et vaste, qui serait identifié sans manipulation depuis le logiciel iTunes, qui synchroniserait quelques gigaoctets d’espace disque en quelques minutes à peine – podcast, videocast, listes de lecture compris -, modèle USB 2.0, qui offrirait un large panel de petites applications (agenda, réveil, quelques jeux), qui disposerait d’un accès à l’Internet plus rapide (EDGE et 3G), qui offrirait une interface simplissime, un iPod de poche, qui accéderait au « Music & Video Store », qui synchroniserait les titres mobiles et les titres du portable, qui offrirait enfin une prise pour n’importe quel casque d’écoute, sans adaptateurs fragiles.

Pourquoi tant de haine à l’égard des prétendants au titre, à commencer par les derniers nés Nokia 6680/N70, sans oublier les fameux Walkman de Sony ?

Premièrement, aucun de ces téléphones n’est pour l’heure capable de s’entendre naturellement avec Windows Media Player, RealOne, Yahoo! Music Engine ou le très convoité iTunes sans l’intervention de l’un ou l’autre greffon limité. C’est idiot, mais les applications Nokia, SonyEricsson et autres LG ressemblent davantage à de piètres logiciels, style collection « KDE » ou « Linux barbare ».

Ensuite, ces connecteurs exotiques pour casques « maison » ou les encombrants adaptateurs pour casques traditionnels : à ce jeu-là, Nokia gagne la palme de l’encombrement et de la fragilité. Un mouvement de travers et l’appareil photo s’éveille, un mouvement du haut de la jambe et la prise du casque se détache de son port d’attache.

Lorsque, par bonheur, la connexion au casque s’avère plus standard, d’autres facettes s’avèrent mal pensées. Ainsi, malgré des touches et une interface plus polie dans les modèles Qtek 8100/8300, il faut reconnaître que placer une carte mémoire sous la batterie et garantir des taux de transfert d’un autre temps (USB 1.1) réduit à peau de chagrin chances de succès de ces appareils face au Dieu iPod.

Alors je regarde évoluer Motorola vers un modèle qui se rapproche de ce musico-téléphone « parfait » et je me rassure : ils ont enfin compris, guidés par un modèle incontestable, ce vilain petit appareil noir ou blanc qu’Apple brandit comme un trophée et qu’on appelle iPod.

Ce futur « ROKR E2 » de Motorola, récemment présenté aux investisseurs du premier constructeur américain, devrait voir le jour le printemps prochain, balayant ses concurrents directs sur son passage, avec ses capacités 3G et sa connectique USB 2.0. Je lui trouve un seul défaut, déjà : un appareil photo 1 Mpx. Bon sang, il leur manque toujours quelque chose.

Et je me dis, finalement, que l’iPod vidéo que je viens de m’offrir pour Noël a encore de très beaux jours devant lui.