Devenu le compagnon mobile et indispensable des loups de la finance et des grandes entreprises qui « se doivent d’être toujours en ligne », le terminal développé par la canadien affiche un taux de croissance arrogant : 39 % cette année ! Inoffensif cet appareil ? Pas vraiment. On parle ainsi de plus en plus d’une étrange maladie, sorte d’addiction pathologique à la technologie du « push mail ». Bienvenue à l’unité de soins intensifs « Crackberry ».

Dans une salle de presse bondée, la conférence de presse organisée pour la sortie du film « You, me and Dupree » est retardée. Un acteur se fait attendre. Owen Wilson arrive, à peine désolé, prend déjà une pause et se cache derrière une porte avant de pénétrer dans la salle de presse. De sa poche, l’acteur sort un Blackberry.

Nul n’échappe plus – pour peu que l’on se promène dans les transports en commun ou dans les centres urbains -, à l’omniprésence de ce gadget dans les mains de près de 5 millions d’utilisateurs cette année. Ils sont cadres, hauts fonctionnaires, avocats, banquiers. Ils l’emmènent parfois dans leur sac de sport pour que, sur le tapis de course, devant CNBC ou Bloomberg, aucun message ne leur échappe. Ils répondront au restaurant, vous écoutant d’une oreille moins attentive, pour le replacer aussitôt en évidence, à côté de la bouteille de vin, jetant des regards satisfaits à intervalles réguliers devant leur bestiole infernale qui vibre ou chante à chaque message intercepté.

Qu’est-ce qui fait courir les foules de businessmen vers ce petit appareil un tantinet encombrant que l’on dépose ostensiblement sur la table du restaurant ? Tout d’abord un clavier – un véritable clavier miniaturisé – facilitant la rédaction de messages et documents. Ensuite, une interface plutôt conviviale offrant un concentré de logiciels essentiels : documents de productivité (traitement de texte et tableur), courrier électronique, SMS et Internet mobile. Des logiciels bien sûr, gratuits ou payants, à foison sur l’Internet, qu’ils soient financiers ou de type « productivité », des messageries instantanées ou des accès VPN.

Enfin, RIM est la première entreprise à avoir lancé sur le marché une technologie de « push email », laquelle permet de recevoir ses messages email aussi simplement qu’un SMS/MMS sur son mobile. La présence d’un nouveau message se traduit par l’arrivée simultanée de ce message sur le mobile, dans une version allégée et formatée pour l’appareil, pièce jointe comprise.

Ce mode « always on » peut rapidement tourner un cauchemar, une véritable « pathologie » bien connue des psys outre-Altantique qui porte un nom : Crackberry, néologisme faisant référence référence à l’addiction que génèrent ces appareils. S’il représente pour une minorité d’utilisateurs un achat choisi et réfléchi, le Blackberry est bien souvent « offert » par l’entreprise à son employé. Un cadeau dont on peut aisément imaginer les effets pervers : le salarié devient immédiatement disponible, à tout moment et forcément en dehors des heures de travail.

Avec l’arrivée cet automne d’un nouveau terminal plus orienté vers le grand public, le Pearl (Blackberry 8100), les vertus intrusives et compulsives du « BB » pourraient très rapidement gagner d’autres portions de la population. Particularité de cet appareil : il ressemble, au clavier près, à n’importe quel autre mobile léger du marché, appareil photo compris. Principal frein à son adoption massive pour l’instant, le prix : l’abonnement Blackberry oscille toujours entre 25 et 40 euros par mois dans sa version « de base ».

Si un traitement psychothérapeutique est souvent administré aux victimes de cette addiction, plusieurs initiatives, amusantes à première vue, émanent de l’industrie hôtelière. Ainsi, le Sheraton de Chicago propose à ses hôtes de laisser leur Blackberry dans un coffre lors de leur séjour. Plus insidieuse, la méthode Hyatt vise à offrir un massage des mains particulièrement adapté aux tendinites générées par une utilisation intensive du clavier réduit de l’appareil.

Une vidéo amusante, publiée sur Youtube, illustre à merveille ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « Crackberry » :