Une mauvaise farce et, à notre humble avis, des coupables désignés un peu vite : la sortie de l’iPhone 3G en Belgique s’est heurtée à une rapide rupture de stock ce vendredi 11 juillet dès la fin de la matinée. Les files d’attente étaient pourtant raisonnables, notamment dans la capitale. Benoît SCHEENS, le CEO de Mobistar avait prévenu : les stocks seraient limités. De là à proposer en moyenne 10 à 15 appareils par point de vente.

Vendredi 11 juillet. Il est 10h45. Je me dirige vers le Mobistar Center du Westland Shopping Center de Bruxelles. Pas de file, même pas de hâte particulière. La décoration est déjà en place. J’ose « Alors, vous les avez ? » à un vendeur qui sourit. « Oui, mais ils sont tous réservés et on a reçu qu’une dizaine d’exemplaires. Les 16 Go vont être difficiles à obtenir. » Le ton de la journée est donné. Par curiosité, je me fais inscrire sur la liste d’attente, qui comporte déjà au-moins 20 noms. La réservation des appareils, il aurait fallu y penser.

Analysons deux possibilités : soit Mobistar a sous-estimé sa capacité à écouler les premiers stocks, soit Apple a avec malice organisé cette pénurie pour maintenir le désir et la pression chez les consommateurs. Ce n’est pas la première fois que l’entreprise « joue » avec les nerfs des afficionados : il n’est pas rare que la Pomme fasse parvenir « au compte-goutte » les premiers exemplaires de ses machines dans les réseaux de distribution. En refusant les 24 mois de garantie imposés par l’Union européenne, concédant 12 mois, comme aux Etats-Unis, la firme s’illustre déjà depuis longtemps dans la volonté de se placer au-dessus des lois. Qui garantit les 24 mois en Belgique ? Le distributeur officiel, évidemment, Mobistar.

Résumons ! Mobistar amateur ? Apple aux manettes ? Nous penchons, vous l’aurez compris, quitte à manquer de tact, pour la 2e option. Pourquoi ? La Belgique n’est pas isolée : hier, vendredi, d’autres opérateurs en Europe devaient faire face à un écoulement un peu rapide de leurs stocks initiaux, T-Mobile aux Pays-Bas et les opérateurs Swisscom et Orange en Suisse. Faut-il s’attendre à ce que votre point de vente (qu’il s’agisse d’un centre Mobistar ou d’un Apple Premium Reseller) reçoive de nouveaux stocks rapidement ? Peu probable, on parle d’attentes de plus d’une semaine ( trois à huit selon certains « shops » contactés ce samedi) pour la réception de nouveaux terminaux dans notre pays. Cette sous-estimation s’accompagne-t-elle de chiffres de vente records chez les opérateurs et les distributeurs ? Même pas, c’est dire s’il n’est pas question de parader, mais plutôt de faire profil bas et d’attendre, en suppliant, que Dieu le Père fournisse de nouveaux les points de vente.

Mettons les pieds dans le plat. Cette distribution minimale de terminaux est un « problème » totalement imputable au constructeur/fournisseur, Apple : la Belgique risque rapidement d’être la plaque tournante de la vente d’iPhone dans le monde, il fallait s’en douter et prévoir. On y trouve en effet, tout comme en Italie, les téléphones débloqués et disposant d’une garantie officielle, de nature à attirer la convoitise de bien des résidents d’autres Etats, obligés de lier l’achat d’un appareil à un opérateur particulier.

En attendant, les serveurs d’activation ont été vicitmes de leur succès, eux aussi : impossible ce vendredi d’activer immédiatement un téléphone acheté en magasin. Là, difficile de désigner d’autres coupables, mais pas de nature non plus à donner envie au constructeur de présenter des excuses. Fastidieuse opération tout de même : vous achetez un appareil et vous devez l’activer (ou le faire activer) pour une raison totalement obscure avec un logiciel imposé, iTunes. Imagine-t-on acheter un Samsung Soul et devoir l’activer avec une application en boutique ou à domicile ?

Des points de vente coupables de vente liée ! Mobistar s’excuse.

Ajoutons à cette pénurie cocasse une véritable cacophonie dans les points de vente, où les instructions étaient pourtant claires. Ce vendredi, Test Achats dénonçait des pratiques pourtant illégales dans notre pays : la vente d’un iPhone conditionnée à la prise d’un abonnement. L’opérateur avait pourtant clairement annoncé la couleur en début de semaine : pas de simlock, pas d’obligation de prendre un abonnement chez Mobistar.

Difficile toutefois de maîtriser toute la chaîne de distribution, dans laquelle on retrouve une foule de points de vente en franchise, où les marges bénéficiaires sont devenues souvent si minces dans la vente des terminaux que l’association de services (assurances, abonnements) s’avère vitale. N’imaginez pas qu’un vendeur de l’enseigne Phone House s’intéresse au triste sort de votre téléphone lorsqu’il tente d’associer à la vente une assurance contre les dégâts et l’oxydation.

On imagine dès lors que la rareté des terminaux disponibles dans certains points de vente n’a pas manqué d’attiser l’envie d’outrepasser les règlements : soit vous prenez un abonnement (et je touche la commission de Mobistar), soit vous passez votre tour.

Test Achats a toute légitimité de dénoncer ces pratiques. Elles sont évidememnt illégales. L’association a reçu ce vendredi plusieurs témoignages clairs et il convient de dénoncer avec force – ce que Mobistar a fait ce vendredi par la voix de sa porte-parole, Patti Verdoodt – des pratiques qui ne peuvent être tolérées. Gageons que des sanctions seront prises.

La vente liée est un problème qui n’est pas nouveau. Le coup de projecteur donné par la sortie de l’iPhone ne doit pas faire oublier qu’elle est une pratique tolérée et courante dans certains cas, notamment celui du lien incestueux entre logiciels et matériels. Un Vaio sans Windows Vista ? Un Macbook Pro sans Mac OS X ? Un abonnement Base Business sans souscription de 24 mois ? Tentez l’expérience.

Proximus fait ouf, le Roi Apple danse

Aujourd’hui, Proximus doit sourire à l’idée de voir le piège se refermer autour de Mobistar. Le piège consiste à bénéficier de l’image forte de l’iPhone, mais, en échange, de jurer obéissance au constructeur. Apple, à n’en pas douter, organise tout cela avec autant d’enthousiasme que de perversité.

La pénurie fait rage, dans une période où, pourtant, on a l’impression que les problèmes de – l’épouvantail – « pouvoir d’achat » rendent le succès d’une telle opération markéting impossible. C’est oublier que certains vendent du rêve et que le rêve est bien légitime quand le moral est morose.

Sur le site Belgium-iphone.com, la responsable de la boutique Mobistar « Toison d’Or » dialogue avec les membres du forum. Une initiative louable. Quelques heures plus tard, sur le même site web, c’est Jean-Marc Caluwaerts, Directeur Commercial des Centres Mobistar, qui est venu « présenter ses excuses au nom de Mobistar envers les personnes ayant été lésées par certains vendeurs isolés. »

Apple ne s’est évidemment pas excusé auprès des consommateurs lésés : c’est aux larbins de service de s’en charger. Apple parade, avec derrière elle une foule d’observateurs, journalistes, blogueurs qui se sont désormais fait une spécialité d’éviter de réfléchir plus loin que les folders publicitaires. C’est finement joué, comme un excellent vaudeville.