Si la voie est libre pour le rachat par Belgacom de son plus féroce concurrent sur le terrain de l’aDSL, Scarlet, le désormais-habitué-des-guerres-lasses groupe KPN tient à réagir. Dans un communiqué publié ce lundi, sa filiale Tele2 Belgique veut « accueillir les clients de Scarlet ». En gros, pour leur offrir la même chose… en moins bien.

Vous vouliez échapper à Belgacom en adoptant Scarlet ? Bientôt, votre geste perdra son sens initial : le conseil de la concurrence vient effet, comme nous vous l’annoncions ce vendredi, d’accepter le rachat de Scarlet par Belgacom. Part de marché estimée de l’opérateur après cette opération (hors câble) ? 85 à 90 % ! Du jamais vu sur un marché occidental libéralisé. Il ne sert à rien de pleurer, il faudra « faire avec ».

Le conseil de la concurrence a émis quelques réserves à cette opération commerciale diabolique : la condition la plus importante autorisant cette opération est la vente du réseau fibre propre de Scarlet. Celui-ci était en effet jusqu’ici une alternative au réseau DSL déployé par Belgacom dans les années 90, Turboline, devenu depuis un réseau ADSL2+ et VDSL2. Il permet à des fournisseurs comme Belcenter ou Dommel de présenter des offres commerciales audacieuses.

Opération industrielle et commerciale diabolique, disions-nous ? En effet, Belgacom n’avait franchement pas besoin de Scarlet pour lancer une marque low cost. Il suffisait de lancer une offre moins chère, avec un packaging moins soigné. Cela avait d’ailleurs été évoqué par l’opérateur lorsque le risque était grand de voir le rachat refusé par les autorités.

Scarlet bénéficiait toutefois d’une certaine expérience dans le domaine de l’alternative soignée au client. Sans oublier, beaucoup plus important, un panier de clients bien garni et, globablement, assez ravis.

KPN : le petit canard au bord de l’eau réagit

La nébuleuse Base/KPN/Tele2 a donc réagi par la voix de Tele2 Belgique : « Tele2 s’étonne de cette décision au vu de l’avis antérieur de l’auditeur et au vu des récentes déclarations de la Commission Européenne qui a indiqué une concurrence supplémentaire sur le marché belge pour la téléphonie fixe et l’Internet à large bande. Tele2 constate avec plaisir que le Conseil reconnaît que par la reprise de Scarlet on assiste à de graves problèmes de concurrence en Belgique, surtout en matière d’Internet à large bande et en matière de services de téléphonie fixe. »

Que peut-on attendre de KPN aujourd’hui dans notre pays puisque KPN dispose déjà du réseau fibre racheté à Versatel ? Deux scénarios : acquérir le solide réseau ADSL2+, celui de Scarlet, et offrir à ses clients d’autres solutions que ses dépassées connexions ADSL à 4 mégabits seconde, même illimitées. Scénario peu probable et non évoqué.

Soit proposer aux clients de Scarlet une migration vers un opérateur « non Belgacom ». C’est visiblement la voie choisie. Dans le communiqué, Tele2 déclare attendre « la dernière version de la décision, mais se dit prête, en tous les cas, à accueillir dès à présent les clients de Scarlet qui, en vertu de la décision du Conseil, auront la liberté de renoncer à leur abonnement Scarlet sans dédommagement et de passer chez un autre fournisseur. »

Pour leur offrir quoi ? Sa solution Tele2 / Base ADSL est commercialisée sans ligne fixe à un peu moins de 35 euros par mois. Pour ce prix, le client dispose d’une vitesse ADSL1 de 4 Mbps pour 256 kbps en upload. Pour les clients disposant d’une connexion 20 Mbps chez Scarlet, la décision de migrer vers Tele2 serait purement idéologique. Elle est peu probable et n’est franchement pas à conseiller.

Beaucoup d’annonces, peu d’évolution

Pour doper le marché, on attendait beaucoup du Ministre Vanquickenborne. Il faut reconnaître que tant qu’un plan numérique plus ambitieux n’est pas mis en place par le pouvoir politique comme en France – incluons dans le package la TNT, la fin de l’analogique au Sud du pays, la radio numérique, le triple play et surtout la scission des activités opérateur/fournisseur de Belgacom -, rien ne changera vraiment pour le consommateur, pris en otage, avec beaucoup de philosophie et une fatalité déconcertante.

La position de Tele2 est louable : régulièrement, l’opérateur réveille, à l’image de l’infatigable association Test Achats, l’esprit de l’abonné en lui expliquant pourquoi les règles de la concurrence sur le marché des télécoms belge sont ineptes et conduisent à des situations oligopolistiques empêchant une évolution rapide des prix et des technologies.

Toutefois, à force de jouer dans le low cost, BASE et Tele 2 finissent par offrir au consommateur des solutions alternatives sans réel bénéfice technologique – le téléchargement illimité n’intéressera que les seuls « heavy downloaders » -. L’ADSL à 4 mégas et Internet mobile en EDGE, là où un opérateur dominant propose déjà 12 Mbps et le HSDPA, c’est mettre en vitrine sur fond blanc un ersatz du pot de Nutella, avec une recette moins goûteuse. Cela donne une image low cost tout simplement aggressive, sans réelle avancée technologique pour motiver le client. Aldi face au Delhaize : on joue sur le profil commercial du client, uniquement.

Que peut donc bien empêcher Base et Tele2 d’ouvrir les vannes en ADSL2+, de proposer sur son réseau propre des connexion à 24 Mbps / 1 Mbps ? D’offrir de la télévision numérique ? D’ouvrir à ses clients l’accès à ses antennes 3G ? Une manque de liquidités ? Une vision stratégique consistant à viser les revenus et les exigences les plus faibles chez les consommateurs ?

Tout cela est nébuleux, difficile à comprendre et surtout relayer médiatiquement sans se poser des questions. Il serait plus logique pour nous de soutenir de telles initiatives, mais Tele2 est loin d’avoir l’audace et la volonté d’un Free ou d’un Alice en France.

Et pour les entreprises ?

L’offre de Scarlet n’a pas été très offensive dans le domaine ces dernières années. Le site web dédié aux PME est laconique. Il n’a jamais évolué. KPN pourrait jouer un rôle intéressant, mais KPN se paie le luxe en Belgique d’offrir aux entreprises la connexion Internet professionnelle sans doute la plus chère du marché.

Exemple ? Netbusiness ADSL en ADSL2+ proposée pour 299 euros par mois HTVA ! Pour ce prix, la PME dispose d’une connexion IP fixe de 12 Mbps et 1 Mbps en upload. Si 640 kbps ne vous rebutent pas en upload, vous obtenez la même connexion (ADSL Office Pro Compact) chez Belgacom, en 12 Mbps également, pour… 86,70 euros par mois !

Restons philosophes

Le communiqué conclut : « Tele2 souhaite enfin accentuer la nécessité persistante d’une régulation dynamique qui stimule également à l’avenir la concurrence. » Difficile de ne pas abonder dans ce sens.

Pendant ce temps, Iliad n’a aucun plan pour notre pays. Et c’est bien dommage.