Nous évoquions, ce mardi, l’amende record infligée par le Conseil de la Concurrence à Proximus, filiale de Belgacom, pour « abus de position dominante » sur le segment professionnel. Dans un entretien accordé à l’Echo, Didier BELLENS sort de sa réserve : en substance, les terminaisons d’appels sont une perfusion et Base ferait bien d’agir au lieu de gémir.

Le PDG de Belgacom confirme introduire un appel, l’acquittement de l’amende dans les 30 jours (le recours n’est pas suspensif) et livre ses impressions à chaud sur les pratiques contestées. Le CEO rappelle que « cinq types d’abus de position dominante ont été dénoncés par l’auditorat en avril 2008 ; au final, il n’y en a qu’un seul qui a été retenu ».

Comme nous l’écrivions ce mardi, la période visée s’étale sur 2004 et 2005. Il est reconnu qu’en tant qu’opérateur dominant, « Proximus a pratiqué des tarifs à ses clients moins élevés que les prix de gros facturés aux autres opérateurs. Il devenait logiquement impossible pour la concurrence de gagner de l’argent. Pour rester compétitif, il fallait vendre à perte. »

Didier BELLENS ne fait preuve que de très peu de tendresse face à ses deux concurrents, Base et Mobistar, mettant en avant une notion méconnue du public, le MTR (tarif de terminaison d’appel), soit les montants que se facturent les opérateurs lorsqu’un appel arrive sur un réseau. Ces derniers sont plus élevés pour Base et Mobistar que pour Proximus, l’IBPT estimant que ces tarifs stimulent la concurrence face à un opérateur dominant.

Les tarifs MTR étaient, il y a 6 mois, de 7,20 euros HT pour Proximus, 9,02 pour Mobistar et 11,43 pour Base. Voilà donc pourquoi un appel vers un mobile aux Etats-Unis revient à quelques centimes par minute, contre 15 centimes en moyenne vers un autre opérateur mobile belge.  Cela peut, aux yeux de bien des observateurs, représenter une « perfusion » non négligeable pour des opérateurs plus faibles… comme Base.

BELLENS enfonce le clou : « Chez Belgacom, nous en avons assez de subsidier KPN (Base) et France Télécom (Mobistar). Ces deux opérateurs sont bien plus gros que nous (D’un point de vue de leur structure internationale NDLR). » Il n’épargne pas Base, opérateur qui passe son temps à gémir auprès des autorités de régulation, mais n’a jusqu’ici fait preuve que d’une très limitée volonté d’innovation technologique sur le marché belge. BELLENS conclut : « Ils doivent savoir ce qu’ils veulent. Ils nous reprochent d’avoir verrouillé le marché professionnel, mais ils ne disposent toujours pas d’une offre 3G. Comment veulent-ils avoir des clients dès lors ? » Même si l’opérateur n’a jamais fait preuve d’une transparence exemplaire dans le domaine de la concurrence (fixe ou mobile), comment lui donner tout à fait tort sur les deux points soulevés en conclusion ?

C’est que, outre la 3G, on peut aussi reprocher à KPN (par manque d’investissements sur son réseau propre notamment) de proposer des offres ADSL moins performantes (vitesses, technologie) que l’opérateur dominant et de ne pas offrir de télévision numérique, contrairement à sa propre offre nationale aux Pays-Bas.  Idem pour Mobistar.  Les a-t-on déjà entendu se plaindre à ce sujet ?  Mobistar lançait fin 2008 un « groupe d’étude » sur la télévision numérique qui devait rendre un avis « dans les trois mois ».   Certes, le mois de mai compte de nombreux fériés, certes, les opérateurs ont plus d’une circonstance atténuante (1), mais plus le temps passe, plus le duopole câble/Belgacom s’impose, s’installe, au détriment du consommateur.  Tout cela sur fond de réaction publique très tranquille et placide de Mobistar et Base. Où seraient aujourd’hui, en France, face à Orange, SFR et Bouygues Telecom sans offre triple/quadruple play ?

(1) Nous évoquions, le 16 avril dernier, les conclusions d’un rapport des consultants Analysis Mason et Hogan & Hartson, commandé par Ministre Van Quickenborne et l’IBPT, un rapport édifiant, mais sans surprise, sur la situation du haut débit en Belgique. Le rapport préconisait des actions à entreprendre pour débloquer la situation : casser, réguler, reconstruire. Sans cadre régulatoire fort, sans une pression sur les offres bitstream (Belgacom), le “multiple play” ne pourra être étendu à d’autres opérateurs que le duopole Belgacom / câble.