Le salut viendra-t-il du quartier européen de Bruxelles ? Dans un article publié par Datanews ce mardi, Stefan Grommen salue l’arrivée de la Commission européenne aux côtés de l’IBPT dans sa volonté de « réguler de nouveau le marché ‘wholesale’ des télécoms en Belgique. »

En avril 2008, le Ministre Van Quickenborne confie que sa stratégie aura échoué s’il ne parvient pas « à provoquer une réduction significative des tarifs du haut débit. » Un an plus tard, un rapport vient appuyer son combat, commandé par l’IBPT à Analysis Mason et Hogan & Hartson, au-dessus de tout soupçon en matière d’éthique et de conclusions.

En janvier 2009, KPN, présent via les marques Base et Tele2 – entre-autres –, dénonce le « complot d’Etat » : « Tout cela s’est passé devant le Ministre en charge de l’IBPT, Vincent Van Quickenborne. Ce dernier regrette mais promet d’agir.  » Plus récemment, Test-Achats part en croisade contre le prix trop élevé des SMS, après avoir longtemps porté son attention sur celui de l’accès à Internet.

Une constante : le temps passe et rien ne change. Les prix sont indexés et le triple play est la chasse gardée de deux réseaux financés, en partie, par des fonds publics, avec la bénédiction du politique, récompensé par une kyrielle de jetons de présence. Les nostalgiques de l’économie planifiée doivent regarder le Sud de notre pays comme le dernier bastion de leurs idéaux.

Le salut viendra de l’Europe

Cette fois, la Commission européenne s’en mêle. Alleluia. Elle devrait être un allié considérable pour l’IBPT dans sa volonté de mieux réguler le marché des télécoms en Belgique, notamment au niveau du « wholesale », le prix de gros facturé par l’opérateur dominant à ses opérateurs « revendeurs agréés ».

Pourquoi cela prend-il tant de temps ? En janvier dernier, les arguments et les mesures avancés par l’IBPT avait été rejetés par la Cour d’Appel de Bruxelles. Motif : l’argumentation de l’IBPT ne tenait pas la route. Question : avait-elle été correctement préparée, au temps du règne de l’ancien conseil d’administration du régulateur, à la puissance contestée et contestable ?

Depuis ce camouflet, Belgacom poursuit le développement d’offres VDSL / triple play, alors que le reste des opérateurs peine à suivre le mouvement, en dehors du câble – autre sujet sensible ! -, disposant lui aussi d’un réseau confortable et hermétique. Résultat ? Un duopole. Pourtant, chacun sait qu’il est illusoire d’attendre qu’un trublion vienne, à l’image de Free, investir dans la construction d’un nouveau réseau fixe très haut débit.

Deux scénarios sont possibles. Soit on permet à Belgacom de conserver la main sur le « fameux » réseau très haut débit et on l’astreint à baisser ses prix et faciliter l’accès Bitstream pour permettre au marché du triple play de se diversifier. Soit on crée un gestionnaire de réseau, comme ce fut le cas lors de la libéralisation du gaz et de l’électricité. La première option semble privilégiée. Elle s’est avérée payante dans de nombreux Etats de l’Union, dont la France et les Pays-Bas.

Selon Datanews, « l’IBPT aurait à présent revu son argumentation et pris en compte tous les autres commentaires de la cour d’appel. » L’organisme pourrait faire sa première apparition musclée si elle réussit à contraindre Belgacom à appliquer son plan. Autre doléance : « le rétablissement rétroactif de la régulation du marché ‘wholesale’. »

En économie de marché, lorsque les conditions de concurrence ne sont pas saines, un régulateur a pour mission de clarifier la situation et de rétablir l’équilibre. Il ne faut pas se leurrer, l’avance prise par Belgacom et le câble est inquiétante pour un consommateur déjà captif. Le temps compte. Un seul responsable à cette situation cocasse et désespérée : le politique. Il n’a fait preuve d’aucune vision d’avenir en matière de numérique et de télécom ces 10 dernières années.

Ce qu’il manque aujourd’hui pour qu’on puisse en sortir ? Un massif soutien au niveau fédéral pour le combat, jusqu’ici purement déclaratif, du Ministre Van Quickenborne. Dans les rangs francophones, la question est souvent éludée, notamment au P.S., acharné comme un chien enragé sur le dossier de la « vente couplée », sans jamais avoir fermement dénoncé le duopole qu’il a pris beaucoup de plaisir (et d’avantages) à tricoter. Au MR, on est guère plus loquace sur le sujet. « Voo » porte aujourd’hui fièrement l’appellation d’opérateur « public ». Un opérateur public face à un autre (dans le Sud du pays), sur un marché libéralisé : le modèle a de quoi poser question.

Dans les rangs politiques, à n’en pas douter, on repousse sans l’avouer un nécessaire désengagement fédéral de Belgacom, une manne de billets de banque et de « places à pourvoir » non négligeable.

Bas les masques. L’arrivée de la Commission Européenne dans le débat fédéral est très certainement un signal positif pour… le consommateur.