Jamais la pression artérielle n’a été aussi vive dans le monde du mobile. Nokia a certes perdu de sa superbe, mais ses ventes restent remarquables. Apple continue de dominer le monde Internet mobile, mais Android menace. Windows Mobile recule. Le Blackberry est à la traîne en matière de web mobile. Qui se lassera, crise ou pas, de ce spectacle trépidant ? Nous avons intitulé le nouvel acte « Le Roi danse ».

Le marché de la téléphonie mobile va continuer de souffrir de ventes en retrait au troisième trimestre 2009, selon les prévisions du cabinet Strategy Analytics. Une fois encore, les ordiphones (smartphones) tirent leur épingle du jeu. Pour l’analyste, les ventes mondiales auront reculé de 4 %, à 289,5 millions d’exemplaires vendus pour le trimestre qui s’achève. Pas de raison d’espérer un retour à la croissance des années fastes avant mi-2010.

S’il est acquis que la position de Nokia est affaiblie, ses ventes culminent tout de même à 108,5 millions de mobiles livrés : c’est considérable. Le segment des smartphones cesse toutefois de lui être favorable : c’est là qu’il perd des plumes, mais ses ventes globales (tous modèles confondus) restent fortes en Chine, en Inde et … en Europe. Sous le poids de l’iPhone ? Pas uniquement ! Nokia peine également derrière la concurrence asiatique (Samsung, LG) sur le terrain du tactile. Enfin, sa position reste faible aux Etats-Unis. Au dernier trimestre, Nokia peinait à 4 % du marché américain du « smartphone », contre 51 % pour RIM et 25 % pour l’Apple. Le Finlandais semble attendre l’émergence du LTE pour mener une offensive de marché plus franche outre-Atlantique.

Après la publication de sa première perte en dix ans, Nokia a réorganisé ses gammes, notamment par la création d’une division « smartphones », en plus de la division « mobile phones ». Cette section sera dirigée par Jo Harlow.

L’iPhone domine, RIM maintient, Android menace

RIM et Apple continuent de bénéficier d’un vent favorable. Chacun sur sa cible, grossièrement : le business pour le Blackberry, le particulier pour l’iPhone. Depuis fin 2006, le cours d’Apple en bourse a été multiplié par près de 2,5 grâce en particulier au succès de l’iPhone, alors que Nokia a vu sa capitalisation régresser de plus du tiers.

Pourtant, la donne pourrait changer dans les 2 années à venir. Un autre institut, Gartner, rappelle que face à WebOS, iPhone, Blackberry, des systèmes qui sont tous liés à un seul constructeur, Android va bénéficier de l’effet multi-constructeurs (Motorola, HTC, Samsung, Sony Ericsson, LG, Archos, Asus, Garmin). L’institut table sur 76 millions de mobiles Android vendus en 2012 pour 203 millions sous Symbian, 71,5 millions d’iPhone, 67 millions sous Windows Mobile et 65,25 millions de Blackberry.

Android pourrait gagner sa part de marché en utilisant la méthode qui a permis à Microsoft d’être en situation dominante sur le marché des ordinateurs personnels : un système d’exploitation « universel », disponible pour la plupart des modèles du marché. Avec un argument de séduction des constructeurs supplémentaire : il est gratuit.

En attendant, l’iPhone reste le maître du jeu en matière d’Internet mobile. Admob a scanné 9000 sites Web mobile cet été. La part de marché de l’iPhone serait de 40% en août dernier, contre 33% en février. 200 % de croissance pour i’Phone contre un repli de 25 % pour Symbian : difficile de faire plus explicite. L’importance de l’iPhone est d’autant plus remarquable qu’il représente 67 % des accès au web mobile pour 31 % des ventes.

Le Blackberry, pourtant terminal très orienté Internet mobile (mais peut-être principalement email mobile) n’obtient que 8% (soit 2 % de moins) et Windows Mobile passe perd 3 % à 4 % de parts de marché. Au niveau des terminaux les plus utilisés pour surfer en ligne, on trouve évidemment l’iPhone, devant le HTC Dream, le N70 de Nokia et le Palm Pre. Suivent le Blackberry 8300, le N95, le N80, le N73. Il faut arriver à la 13e place au niveau mondial pour voir le 5800 Xpress Music de Nokia et à la 17e pour le HTC Magic. Le Blackbery Storm 1 est relégué à la 19e place.

La « hype » Blackberry reste fragile

Le cas du Blackberry est, on l’a compris, plus préoccupant, car l’engouement peut faiblir. S’il continue de monopoliser l’attention des observateurs et susciter l’intérêt d’un nombre de plus en plus vaste d’utilisateurs (plus de 50 % sont des particuliers aujourd’hui), les pannes d’innovation menacent.

Le très nord- américain App World peine à séduire – développeurs et utilisateurs, surtout en Europe – et les deux modèles annoncés pour la fin de l’année (Bold 9700 et Storm 2) ne représentent que des évolutions très modestes de la gamme. A chaque instant, le mouvement d’enthousiasme peut se retourner.

La tentation du passage d’un Blackberry à l’iPhone n’a jamais été aussi grande : « La moitié des plus grandes entreprises testent actuellement l’iPhone pour leurs usages », selon Pascal CAGNI. RIM l’a compris : aucune portion de son système ne peut rester un parent pauvre face à l’iPhone. Il a, par le rachat de l’éditeur Torch Mobile (Iris Browser), engagé un vaste chantier Webkit pour l’été 2010, destiné à améliorer la convivialité de l’accès à Internet mobile sur ses terminaux en adoptant le même moteur que l’iPhone, le Palm Pré, Android et, dans une certaine mesure, le S60 Browser de Symbian.

RIM conserve toutefois un avantage de poids pour maintenir ses clients actuels dans le paquebot : une parfaite maîtrise, tout comme Apple, du logiciel et du terminal, allant de la gestion des courriels à celle de l’ensemble des réseaux sociaux et services de messagerie instantanée. Reste à présent à parfaire l’accès au web mobile et avancer dans le monde du divertissement. Sponsoriser la tournée de U2 ne suffira pas. Dans ce dernier domaine, peu de concurrence vient gêner Apple et iTunes Music Store. A part peut-être Playnow, le « tout-en-un » de Sony Ericsson, terriblement affaibli depuis 18 mois. Autant dire…