La dépêche Reuters publiée ce mardi disait : « Opera soumet à Apple son navigateur pour l’iPhone. » La nouvelle pourrait sembler cocasse sur n’importe quelle autre plateforme mobile, pas sur l’iPhone. Le monde est suspendu aux lèvres d’Apple. Alors, c’est oui ou non ?  

Pour faire accepter son navigateur, Opera n’a pas lésiné sur la communication : communiqué de presse largement relayé, vidéos de démonstration et captures d’écran. Objectif : forcer la main à Apple pour que son navigateur, absent de l’iPhone alors qu’il est disponible pour la majorité des téléphones – smartphones ou non -, soit accepté sur l’iTunes Store. Arugment de poids : Opera Mini pour iPhone se démarque de Safari par un système de compression des données, lui permettant d’être nettement plus véloce que ses concurrents (Opera parle – avec emphase et prétention – de 90 % au détriment de la qualité des images notamment). La compression ? Une excellente nouvelle pour les utilisateurs ne disposant pas de la 3G, mais logés en EDGE ou en GPRS (encore nombreux), voire ceux qui disposent d’un volume de transfert mensuel plus limité.

Do as i say don’t do as I do

Les exemples ont été nombreux d’applications refusées sur l’App Store au motif qu’elles dupliquaient des fonctions déjà intégrées (par Apple il s’entend) à son téléphone : lecteur de podcast, lecteur de musique, navigateur web ne partageant pas le même moteur que celui de Safari, boutique de téléchargement de musique concurrente à l’iTunes, etc. La distribution des applications sur l’iPhone se faisant uniquement par le biais de l’AppStore, la société dispose d’un contrôle total lui permettant d’accepter ou de rejeter une application selon des critères plus ou moins définis.

Cette fois, Apple est face à un choix délicat. Soit refuser ce logiciel par principe – ce qu’elle fait notamment pour la technologie Flash d’Adobe -. Soit l’autoriser et, du coup, ouvrir une brèche dans sa très stricte politique d’acceptation. Brèche que pourraient emprunter nombre d’autres éditeurs, au premier rang desquels Adobe et Mozilla. Avec Android et le Blackberry, deux systèmes d’exploitation « comparables », rien n’empêche un éditeur tiers de créer un « App Store » concurrent (Crackberry Store sur l’un, Sony Ericsson Playnow sur l’autre). Apple a choisi une autre voie, celle du contrôle le plus strict des applications autorisées à tourner sur son téléphone. Cela empêche-t-il les logiciels de planter ou d’immobiliser le système ? Même pas : les premiers utilisateurs de l’application « Le Soir » vous expliqueront sans doute les comportements parfois erratiques de certaines applications mobiles.   Pour Apple, cette « vision » du mobile permet avant tout de contrôler toute la chaîne, comprenez le matériel, le logiciel et, surtout, les revenus partagés.

C’est qu’au fond, quand on y pense, transposé au monde du « desktop », la nouvelle qui anime la semaine semblerait du plus haut comique. Imagine-t-on, demain, Mac OS X doté d’un « App Store » ne permettant plus à Firefox ou Chrome d’élire domicile sur les ordinateurs portables ou de bureau d’Apple ? Imagine-t-on Microsoft refuser Firefox au motif qu’Internet Explorer existe ? Pense-t-on possible qu’Ubuntu Linux renie Chrome ou Opera ? D’ailleurs, qu’en pensent nos autorités européennes de la concurrence, au fond, eles qui, d’ordinaire, sont si promptes à dénoncer les abus de position dominante de l’éditeur Microsoft sur ses systèmes Windows ?

L’air de rien, avec l’engouement aveugle des développeurs, des commentateurs et des utilisateurs, l’iPhone est devenu le nouveau « Microsoft ».   Comprenez la « norme », l’ancien argument qui conférait à tout ce qui n’était pas Windows le qualificatif d' »incompatible ».   Outre le cloud et les applications web, le salut viendra sans doute du poids considérable que représentera bientôt Android ; Google ayant décidé d’inonder le marché, façon Nokia, Android est un outil de pression pour calmer les politiques (osons le terme, quitte à déplaire) ségrégationnistes de Cupertino.