Sacrilège ! Après la publication d’un dossier de rentrée sponsorisé par Mobistar, le quotidien « Le Soir » essuie les pompes de Didier Bellens, patron de Belgacom.

Est-ce que l’état de déliquescence de la presse papier est telle qu’il faut impérativement soigner ses relations avec les entreprises évoquées dans ses articles ? Aujourd’hui, force est de constater que le quotidien belge francophone qui représente depuis des années le sommet de la qualité rédactionnelle a franchi une étape qui ne plait guerre. L’interview, certes un peu fleur bleue, de Didier Bellens par Philippe De Boeck dans le Soir serait passé totalement inaperçue si elle n’avait pas été reprise et diffusée par le service de communication externe de Belgacom. Le journaliste devient porte-parole de l’entreprise.

Sur une question à propos de l’Etat principal actionnaire de Belgacom, Didier Bellens déclare que « Apparemment, l’actionnaire principal est satisfait des résultats tant sociétaux que financiers et des services que nous offrons. Il n’y a pas de pressions de la part de membres du gouvernement. Par contre, comme tout actionnaire, ils sont intéressés par notre stratégie. C’est normal, ils veulent savoir où nous allons. ». Pour ceux qui suivent le marché télécom belge, ces propos sont tout de même particulièrement tendancieux. Le Gouvernement est satisfait de son opérateur. De quoi faire bondir n’importe quelle entreprise privée qui tente de lui faire concurrence via un régulateur qui est, lui aussi, contrôlé par l’Etat. Le chien se mord la queue et c’est devenu tout à fait normal.

Cet autre extrait est, lui aussi, alarmant: « Cela dit, je comprends l’inquiétude des télés face à un « business model » qui change continuellement. Les journaux écrits se sont posé les mêmes questions et vous n’avez pas eu d’autre choix que celui de vous adapter. Le passage du journal au Web s’est très bien déroulé. C’est un atout remarquable pour la presse écrite qui a repris une avance par rapport à la télé. Les télés n’ont pas le choix, elles devront s’adapter. C’est à eux de développer une offre attrayante. Par exemple en diffusant un mini-JT en matinée sur la base d’infos de la nuit. Nous pourrions le diffuser via Belgacom TV à l’instar de ce que M6 fait en France avec son « 6 minutes ». Les journaux écrits, on peut les lire sur iPad, c’est quelque chose qui m’attire. Et en plus, on ne se salit pas les mains. Dans la voiture, le matin, j’écoute la radio ou je lis les journaux, mais je ne regarde pas la télé. ».

Le Soir pourrait éventuellement expliquer au patron de Belgacom que la diffusion et la production de contenu en ligne n’a pas encore trouvé un modèle d’affaires qui pérennise l’usine à articles. Certes, il existe des mutations intéressantes mais on espère vivement que le publi-reportage ne fasse pas partie du plan. En attendant, si Didier Bellens pense que l’adaptation s’est très bien déroulée, pourquoi les groupes médias les plus influents changent constamment de stratégie pour tenter d’être rentables ?

Mais revenons sur l’information principale de l’article. Didier Bellens estime que lorsque Belgacom a lancé BelgacomTV, l’opérateur avait cinq ans d’avance sur la concurrence. L’homme cherche à lancer une nouvelle plateforme qui lui assurerait à nouveau ce type de confort sur les opérateurs privés. Tout ce que l’on peut espérer, c’est qu’avec l’aide du Gouvernement, Belgacom ne vas pas utiliser ses bonnes vieilles méthodes de blocage. En effet, lorsque l’on évoque l’offre télévisée de Mobistar qui peine à se dévoiler, on oublie que l’IBPT vient seulement, ces derniers jours, d’obliger Belgacom à ouvrir son réseau VDSL à d’autres acteurs.