Jamais un BlackBerry n’avait autant fait parler de lui. Quelles sont les forces et les limites du Z10? Reste-t-il une place pour le système BlackBerry 10 en 2013? Dans la foulée, poser cette question n’est-elle pas insinuer que deux acteurs – Apple et Google – ont cadenassé le marché? Test et analyse.

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Dévoilé le 30 janvier dernier au moment de l’officialisation du système d’exploitation BlackBerry 10, le Z10 a débarqué quelques jours plus tard en Grande-Bretagne. Il est aujourd’hui proposé dans de nombreux pays européens, mais la Belgique ne figurera pas dans la vitrine avant la mi-mars. A ce jour, aucun prix et aucune date officielle n’ont été définis pour notre pays. Ce qui n’empêche pas le Z10 de circuler, en quantités encore limitées.

Première nouvelle? Une bonne nouvelle. Le Z10 est un BlackBerry sans abonnement BlackBerry Internet Service. Vous le configurez en utilisant le même APN (point d’accès de votre opérateur) que celui de l’iPhone, d’Android ou de Windows Phone. Sans le moindre compromis sur les applications et les services de la marque canadienne: BBM, e-mail, Maps, Browser, Facebook, Twitter, LinkedIn, tout fonctionne sans transiter par les serveurs de l’APN blackberry.net. Sauf si votre serveur d’entreprise est B.E.S., vous n’avez plus besoin d’un abonnement BlackBerry dédié. Tant mieux. Répétons-nous: si vous disposez déjà d’un abonnement BlackBerry, vous pourrez avantageusement le remplacer par un abonnement Internet mobile classique.

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Caractéristiques:

– Processeur Snapdragon S4 Pro dual-core (1,5Ghz)
– Puce Adreno 225
– Dimensions: 130 x 65.6 x 9 mm
– Mémoire: 16 Go (interne) et carte micro-SD
– Bluetooth 4, NFC, GPS, micro-USB, micro-HDMI
– Batterie amovible de 1800 mAh
– Objectif arrière de 8 MP (ouverture F/2,2) vidéo 1080p / objectif avant 2MP 720p
– Compatible HD Voice (Mobistar)
– 2G: 850/900/1800/1900
– 3G: HSPA 850/900/1900/2100
– 4G: LTE 800/900/1800/2600 (réseaux 4G belges compatibles)
micro-SIM

Quelques mots sur son équipement. L’arrière est recouvert d’aluminium. La sensation « soft touch » est très agréable. Elle sera nettement moins sensible aux (micro-)griffes que l’iPhone 5. Cela dit, pas la moindre mention d’une finition Gorilla Glass, gare aux rayures à long terme à l’écran. Un conseil: ne le laissez pas tomber sur le sol. Sa finition est impeccable, mais est loin assez loin de ce que le premium signifie chez d’autres constructeurs (beaucoup de plastique et pas de coque unibody).

Au jeu des comparaisons entre le Z10 et l’iPhone 5: le Z10 est plus lourd (de presque 30 grammes), le Z10 est légèrement plus large (écran de 4,2 pouces) pour une résolution de 1280 sur 768 pixels. La densité est donc de 356pp pour 16 millions de couleurs. Le résultat à l’écran est idéal, y compris pour les angles de vision. Les bords de l’écran sont sensitifs, comme c’était déjà le cas pour la tablette Playbook, ce qui permet d’adopter aisément les gestes de l’interface.

Le placement des boutons: volume à droite, verrouillage en haut avec le jack 3,5 mm. Dommage pour les docks universels: l’USB est à gauche, à côté du micro-HDMI. Pas de port commun pour les deux. On aime beaucoup: le LED de notification placé en haut de l’écran, qui indique la présence de messages, d’appels manqués, d’e-mail, etc. On aime aussi le haut-parleur frontal: le son est parfaitement diffusé, même si l’appareil est posé sur une table.

Le système d’exploitation reprend des gestes et habitudes héritées du Playbook.

Il est relativement aisé de les acquérir. A tel point qu’au moindre retour sur un appareil aux gestes basiques et classique comme l’iPhone, on se surprend à tenter de chasser les fenêtres pour les neutraliser en glissant le doigt. En gros: un mouvement du doigt du bas vers le centre droit amène au HUB. Un mouvement de glissement vers le haut transforme l’application en fenêtre, que l’on peut laisser ouverte ou fermer à l’aide d’un bouton croix clairement identifié. En glissant le doigt du haut vers le bas, une fenêtre de notifications: paramètres, Bluetooth, profil (vibreur, silence, fort), alarme, Wi-Fi, réseau, niveau de batterie, etc. Tout cela devient très rapidement naturel au niveau de la gestuelle.

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L’écran d’accueil en lui-même est composé d’icônes et de dossiers. C’est très classique. Au bas de l’écran, l’icône du téléphone, de la recherche et de l’appareil photo. Ce dernier fait beaucoup de promesses. Si les fonctions photo/vidéo sont riches (retouches, possibilité de Timeshift pour trouver le moment où un visage sourit le plus naturellement par exemple), la qualité n’est pas irréprochable face à la concurrence. A tous les coups, l’iPhone 5 et le Galaxy S3 font mieux. En conditions de luminosité suffisante, les résultats sont bons. En basse luminosité, la qualité chute nettement. L’autofocus est par contre très doué, notamment en macro. Pour la vidéo HD 1080, par contre, la gestion du bruit et le piqué nous semblent nettement meilleurs que l’iPhone 5. Belle trouvaille: StoryMaker. Cette application native vous permet de sélectionner des photos, un thème, un titre, de la musique et d’en faire une vidéo MPEG-4 d’excellente qualité.

Exemple de photo

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BlackBerry Link (Windows/Mac) permet de transférer musique, photos, vidéos et documents. La version Mac n’est pas encore exempte de défauts. La qualité globale (fluidité, gestion, listes) des applis multimédia du Z10 est similaire au BlackBerry Playbook. C’est nettement plus esthétique qu’un Android de base, mais des fonctions manquent à l’appel, à commencer par un égaliseur pour le son, qui s’avère assez commun, même une fois un casque de très bonne qualité branché. Gageons que les mises à jour du système à venir permettront de corriger ces manques.

On aime Remember, une appli connectée (ou non) à Evernote qui sert de pense-bête et de post-it. Un vrai gestionnaire de fichiers (!) permettant de se servir de son appareil comme d’un porte-documents (ou une clé USB). Le kiosque à journaux est assez riche en titres anglo-saxons, pauvre en titres locaux. Pas à ce jour de possibilité de télécharger de la musique ou des vidéos via BlackBerry World, contrairement au Royaume-Uni. Le contrôle vocal est sommaire, mais comprend très bien ce qu’on lui demande: messages, appels, recherche sur Internet, rendez-vous. Lui demander quelle est la météo à Bruxelles vous renverra vers une recherche Google. L’horloge est d’un joli design. Depuis l’écran de verrouillage, on peut passer en mode sommeil en glissant les doigts du haut vers le bas. On obtient alors un réveil de faible luminosité pour une table de nuit, avec possibilité d’alarme pour le réveil. Esthétiquement irréprochable. La calculatrice est dotée d’un outil pour les pourboires. Rien ne manque pour ceux qui viennet d’ailleurs: chronomètre, boussole, smarttags NFC, lecteur PDF Adobe et même DocsToGo, pour les documents de bureautique.


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Un BlackBerry est une machine à écrire. Si le modèle Z10 n’est pas équipé d’un clavier physique (contrairement au Q10 qui sortirait en avril/mai), le clavier virtuel est probablement ce qui se fait de mieux sur le marché aujourd’hui. La promesse est vraiment tenue. Non seulement l’agencement du clavier rend la frappe aisée, mais le BlackBerry apprend à connaître votre écriture. Il suggère des mots. Si le mot est exact, vous glissez le doigt au-dessus de la lettre et le mot s’inscrit. Il nous est arrivé d’écrire des phrases en tapant quelques lettres et en laissant le BlackBerry terminer les mots. C’est très, très impressionnant. Magique même!

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Le point central de BlackBerry 10 est le HUB. Vous y trouverez les notifications, messages, SMS, demandes d’amitié, MMS, messages vocaux au sein d’une seule interface de messagerie. On y pilote ses emails également. La configuration est aisée et peut aller très loin: vous choisissez quels messages arrivent quand, lesquels font vibrer votre téléphone, ceux qui ne doivent pas aller dans le Hub, etc. Les menus de configuration du BlackBerry sont certes nombreux et beaucoup plus complexes que d’autres appareils, mais le résultat est une personnalisation très professionnelle de l’ensemble de ses applications. L’objectif est la productivité et, à ce niveau, BlackBerry tient la dragée haute au reste du secteur.

Par contre, l’accès au Hub n’est pas exempt de défauts. Lorsqu’on consulte un SMS et qu’on doit retourner au HUB complet, il faut parfois chasser le clavier virtuel à plusieurs reprises. Très agaçant. Autre point négatif: le hub renferme tellement de messages et de notifications qu’il faudra prendre soin de nettoyer régulièrement la boîte, sous peine de laisser passer de messages dans le flot ou de ne plus y retrouver ses petits.

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Et les apps? BlackBerry World semblait à son lancement proposer 70.000 applications optimisées pour BlackBerry 10. Le marché anglo-saxon est relativement bien servi au niveau des applications essentielles (compagnies aériennes, banques, médias). Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Belgique est inexistante. Vous n’allez pas retrouver pour l’instant vos journaux belges ou votre banque. Quelques grands noms sont déjà présents, dont TuneIn Radio, Europe 1, AFP, USA Today, Metro, Badoo, Deezer. Les applications natives sont plus véloces et épousent parfaitement l’interface de BlackBerry 10. Twitter, Facebook, LinkedIn, Google Talk, sont réalisées par BlackBerry. On peut reprocher à Twitter une certaine lenteur. Pour le reste, on ne manque de rien. BlackBerry Travel et Podcasts n’ont pas encore été mis à disposition. Le « cloud » est joliment intégré: si vous utilisez les services Box ou Dropbox, vous retrouverez vos fichiers cloud depuis l’explorateur de fichiers du BlackBerry. Sans manipulation, sans application. BlackBerry 10 est un hub qui se connecte à vos comptes sans vous obliger à les centraliser auprès d’un guichet unique (Google/Apple/Microsoft).

Comme Apple Maps et Google Maps, BlackBerry Maps offre un guidage vocal GPS. Les cartes TomTom sont précises, mais l’application est une catastrophe à nos yeux face à ses concurrents. Tapez une adresse à Meise, il vous donne un message d’erreur. Tapez une adresse en français à Bruxelles, il a le plus grand mal à la trouver. Sans arrêt, des messages d’erreur (2000, 4000) incompréhensibles. Tout cela est encore assez approximatif. Par contre, la voix de synthèse qui vous guide est plutôt réussie, en tout cas davantage que Google Maps sur Android. Dommage: il est impossible de se rendre à une adresse spécifiée dans l’agenda ou le carnet d’adresse.

Si vous êtes abonné Deezer, l’appli est déjà là. Si vous utilisez Spotify ou Rdio, pas encore. Skype, Kindle ne sont pas encore disponibles dans la boutique: il semblerait qu’une mise à jour permettant une compatibilité avec les applications Android 4.1 amène une vague de nouveaux titres essentiels. Elle ne devrait plus tarder.

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Si, la plupart du temps, qu’il s’agisse de journaux, de banque ou même de vidéos, un site web mobile remplace totalement une app, les habitudes sont là, venues des mondes Android et iOS. Un exemple? Youtube. L’appli native de BB10 est en fait un lien vers le site mobile de Youtube. La qualité indéniable du navigateur BlackBerry 10 est telle (il est basé sur Webkit comme Safari et Chrome) qu’on a vraiment l’impression d’être face à une application native. Conclusion? Avec le HTML5, si les éditeurs en avaient vraiment envie et éduquaient les consommateurs, il serait possible de créer des sites mobiles élaborés. Après tout, utilise-t-on une application Facebook sur son ordinateur ou Facebook.com depuis Firefox/Chrome/etc.? Pour les éditeurs, cela permettrait aussi de conserver une plus grande maîtrise de leur contenu (quitte à ce qu’il soit érotique) et surtout éviter le péage (commissions aux propriétaires des boutiques). Imaginez qu’un abonnement Rdio revient à 9,99 euros par mois depuis son ordinateur. Depuis l’App Store de l’iPhone, il est facturé 14 euros, soit la dime à Apple.

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Le reproche le plus lu ces derniers jours chez les journalistes? La quantité des applications. C’est en effet un point crucial pour un acteur à la recherche de légitimité, face à Android, iOS et dans une moindre mesure Windows Phone. Mais comment rivaliser avec des plateformes plus anciennes à ve niveau? Et la qualité ne prime-t-elle pas in fine sur la qualité? Certes, il va falloir à BlackBerry du temps pour venir à bout de ces habitudes, mais des armes sont là pour éluder l’équation (soyons francs) impossible à résoudre.

Contrairement à Windows Phone 8, les éditeurs ont la possibilité de porter une appli Android sur BlackBerry 10. Nous avons, pour la forme, testé ce portage et installé des applis Android. Celles qui fonctionnent sans problème: Le Soir, le Monde, la Libre, RTBF (y compris vidéos et audio), France TV, la DH, Firefox, Google Maps, NTC (Nike Training), dictionnaire Larousse. Celles qui fonctionnent partiellement: iTélé, BFM TV, BFM Business (pas de streaming direct, mais vidéos à la demande oui). Elles tourneront sans problème dès que BB10 sera compatible avec les applications Android 4.1 (le streaming nécessite au-moins Android 3.0). Celles qui ne fonctionnent pas (auront besoin de la machine virtuelle Android 4.1 indubitablement): Instagram, Spotify, Rdio, Shazam, Soundhound. La conversion et le transfert des applications Android (APK en BAR) demande un peu de recherche et de patience. En aucun cas ces manipulations ne sont encouragées. Si vous êtes intrépide, tout est expliqué clairement un peu partout sur Internet et des sites comme celui-ci assurent la conversion en deux temps trois mouvements (autre lien ici).

L’autonomie est un critère essentiel pour un smartphone aujourd’hui. Il est assez reproché à Android (en général) et à l’iPhone 5 (en particulier) de ne pas tenir la charge plus d’une journée de travail. Le Z10 ne fait pas exception. Puissant comme il est, on peut tout de même dire qu’il se débrouille bien. Il nous semble plausible de tenir une bonne journée de travail en conditions de réseau optimales, de 7 à 23h. Comme pour d’autres smartphones, si vous passez votre journée collé à votre écran, il ne faut pas attendre de miracle. Pas plus qu’avec un iPhone, un Galaxy S3, un Xperia T ou un Lumia 920.

Est-il aussi bien protégé que les autres OS? Grâce à BlackBerry Protect, oui. Vous le localisez à tout moment, effacez les données, le faites sonner en cas de perte.

Conclusions (et quelques considérations sur le « manque » d’apps)

Si l’import est déjà possible, attendons l’arrivée officielle des modèles belges (prix et dates non officiels à l’heure où nous écrivons ces lignes, juste des rumeurs). Cela permettra probablement d’éviter quelques déconvenues en terme d’applications locales. Une fois Skype, Instagram, Kindle et leur cohorte portés pour BlackBerry 10, le match pourra vraiment commencer.

On possèdera un BlackBerry Z10 avant tout pour ses qualités de productivité (email, messagerie, réseaux sociaux). Il n’est pas encore parfait d’un point de vue du multimédia, mais se défend drôlement bien face à ses concurrents. Les points à améliorer: la qualité photo, l’autonomie, des applications locales, des journaux locaux, la prise en charge de Skydrive et de Google Drive. Beaucoup plus urgent: à l’heure où les abonnements Internet sont dotés de musique illimitée, l’absence de Spotify et l’impossibilité d’utiliser l’appli Android actuelle est inexplicable au lancement. L’appli Deezer n’est pas exempte de défauts. Passer d’un titre à l’autre est parfois agaçant.

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L’interface est amusante, ludique, tout en étant assez productive. Le Z10 est certes un appareil grand public, mais c’est avant tout un compagnon de travail idéal: fichiers, documents, email, réseaux sociaux, cloud, notes. Il permet aussi de constater combien un bon navigateur Internet mobile nous permet d’échapper à la dictature des « apps ». Après tout, on pensait que le web nous avait libéré des applications natives vers un monde interopérable. BlackBerry 10 et FirefoxOS doivent être la preuve que le web est une plateforme de développement riche et crédible. A ce niveau, le BlackBerry Z10 offre un bel exemple d’universalité: des fonctions natives riches, des applications diversifiées (natives, Qt, Android) et surtout le Web.

Pour les mordus de la marque, encore sous BlackBerry 6 ou 7, la transition sera aisée, naturelle et permettra de sentir moins isolé du reste du monde mobile. Pour ceux qui viennent d’autres univers, le fossé applicatif est difficile à nier, mais l’argument de la qualité et de la productivité nous semble suffisant pour encourager à voir d’autres horizons. C’est un terminal qui ne s’accroche pas au « cloud » de son constructeur, mais fait office de grand rassembleur. Si vous êtes actif sur LinkedIn, Gmail, Outlook.com, Yahoo!, Facebook, Twitter, Dropbox, Box, Evernote, plutôt que de passer son temps à surfer d’une appli à l’autre, BlackBerry 10 est le point central à partir duquel vous pouvez éviter le « même panier ». Quitte à ne pas faire confiance au cloud, mais à ce bon vieux glisser-déposer de fichiers, un concept que l’iPhone – miroir d’iTunes -, Windows Phone et (dans une mesure moindre) Android, voient comme une… tentation du passé.

Mise à jour 21 février. Les pré-commandes démarrent en Belgique (Fnac, Vandenborre). Le prix est fixé à 629 euros. Autant dire qu’à ce prix et sans financement d’un opérateur, ni Samsung ni Apple n’ont de craintes à avoir.