Comment expliquer qu’une entreprise comme Mobistar, par exemple, déploie une énergie sans faille pour vendre un téléphone qui lui fera perdre de l’argent ?

Dans un précédent article, nous tentions de montrer à quel point l’iPhone avait réussi là où les autres constructeurs avaient échoué. En quelques mois, le téléphone d’Apple est devenu celui avec lequel on achète le plus de musique, celui avec lequel on surfe le plus et celui sur lequel on installe le plus d’applications payantes.

Aujourd’hui, c’est du côté des opérateurs que notre curiosité est attirée. Avec l’arrivée de l’iPhone 3G en Belgique, les sourires se sont affichés sur les lèvres de Proximus et BASE alors que c’est Mobistar le distributeur exclusif du téléphone. Dans ses derniers résultats trimestriels, l’opérateur a évoqué le téléphone d’Apple comme étant l’occasion d’une mise en avant de Mobistar en terme d’image et de notoriété. Or, c’est bien là le seul avantage.

Pendant des années, les opérateurs qui se sont investis dans la construction d’un réseau 3G n’avaient qu’une seule idée en tête: profiter de ce nouveau tuyau pour fournir des services sources de nouveaux revenus comme la musique, le web et la messagerie enrichie. Proximus, par exemple, misait beaucoup sur cette activité de fournisseur de service. Mais cet écosystème ne peut fonctionner avec l’iPhone puisque dans ce cas précis, Apple s’occupe de tout: il fournit et facture tout seul les morceaux de musique via l’iTunes Music Store et les applications via l’AppStore, il esquive l’utilisation du réseau en se synchronisant via un ordinateur et en se connectant via le Wi-Fi. Si un réseau 3G devient un service d’appoint, comment expliquer que les opérateurs se sont battus pour un tel appareil ?

Répondre à cette question est un défi. Aucun opérateur ayant lancé l’iPhone 3G n’a encore sorti le champagne. L’espoir d’attirer une clientèle fortunée, de redorer son blason se traduit avant tout par une perte de revenus. Au profit, essentiellement, d’Apple. Il y a donc du génie du côté de Cupertino pour entrer chez les opérateurs sans armes, se faire remettre le butin et les obliger à promouvoir et vendre ses produits. Tout cela avec le sourire. Le hold-up est parfait. On ne sait pas trop ce qu’il resterait aux opérateurs si l’ensemble des constructeurs agissent comme Apple et finissent, dans un futur à moyen terme, par s’affranchir complètement d’un réseau mobile classique. Imaginez, par exemple, la Belgique complètement couverte par le WiMax.

Il aurait été également très instructif de revenir en arrière et d’imaginer que ce soit Nokia qui lance l’iPhone. Est-ce que les opérateurs auraient placé autant d’énergie pour s’accaparer de manière exclusive ce téléphone sachant qu’il ne rapporte, commercialement et économiquement, qu’à son constructeur ? Apple a décidément des privilèges particuliers. Etre traité comme un dieu dans un domaine où on arrive en le dévalisant, cela ne se passe pas tous les jours.

Une chance pour les opérateurs que les Nokia et Sony Ericsson s’appuient sur eux pour facturer leurs services Comes With Music et PlayNow Plus. Mais peut-être que les opérateurs seront plus posés pour la troisième génération d’iPhone. Surtout si celle-ci embarque le WiMax.