L’IBPT a un nouveau conseil d’administration. Il était temps : le régulateur l’attend depuis le mois d’avril. Le Conseil des Ministres en a approuvé la composition ce vendredi, après plusieurs mois de tensions et d’interminables discussions d’ordre purement politique.

Le ministre Van Quickenborne avait mis en place un jury de sélection, lequel avait auditionné 28 candidats. Le jury était présidé par le professeur Paul Nihoul de l’UCL, spécialisé en droit international, notamment en matière de régulation économique.

Le jury a remis un rapport d’évaluation de 70 pages au Ministre Van Quickenborne, faisant une recommandation sur la composition du Conseil de l’IBPT. Visiblement, les discussions et marchandages politiques auront été vains : le gouvernement a choisi de suivre intégralement les recommandations du jury.

Le Ministre en charge du dossier souhaite voir ce nouvel organe démarrer le plus rapidement possible. C’est que les dossiers ne manquent pas. Le nouveau conseil devra attendre la transposition de l’accord politique en arrêté royal avant de se mettre au travail, opération qui devrait prendre quelques semaines.

Objectif généreux : « Garantir une concurrence et des prix équitables pour les consommateurs. » Les consommateurs ne demandent qu’à voir.

Luc HINDRYCKX est Président

La composition du « Board » est connue. Chaque membre est nommé pour 5 ans. Nul doute que le nouveau Président, Luc HINDRYCKX (40 ans), a du pain sur la planche. Cet ingénieur industriel, diplômé Master de la Vlerick School, connaît bien le secteur. Il a notamment travaillé pour le groupe Telenet avant de devenir consultant indépendant, activité qui l’occupe depuis 10 ans.

A ses côtés, un visage connu de l’IBPT, la juriste Catherine RUTTEN (40 ans), déjà membre du conseil de l’IBPT depuis 6 ans. Son expérience dans les télécoms ? L’opérateur BT. Axel Desmedt (34 ans) est également juriste de formation. Pendant près de 10 ans, il a été avocat et ces 3 dernières années, il a travaillé pour le groupe Orange, où il était responsable des activités européennes. Enfin, Charles Cuvelliez (42 ans) est ingénieur civil et titulaire d’une maîtrise en télécommunications. Selon le communiqué du Ministre, il a « travaillé auprès de plusieurs opérateurs belges et internationaux et est membre du personnel enseignant de l’ULB. »

Et il est urgent d’agir

La libéralisation du secteur est imparfaite – et c’est peu dire -. La Commission européenne surveille d’ailleurs notre pays dans le domaine, qu’il s’agisse du mobile, du développement du triple play et des services postaux. Les premiers chantiers ne sont pas des moindres : réviser la régulation de l’accès au haut débit (ADSL, VDSL, câble) pour faire naître une concurrence accrue, diminuer les terminaisons d’appel pour le mobile (MTR), sans oublier la libéralisation du… secteur postal.

Parmi les chantiers « invisibles », il conviendra de définir le rôle du politique dans le développement des opérateurs. Doit-il rester une impulsion avec une vision industrielle ou un actionnaire majoritaire, comme c’est le cas dans Belgacom et VOO ? Le Ministre peut-il faire entendre raison au CD&V et au PS sur ces dossiers sensibles ? Les liens incestueux entre formations politiques, conseils d’administration, dividendes versés à l’Etat, ne sont certainement pas un élément anodin si l’on souhaite mener à bien une réforme en profondeur du secteur pour faire naître davantage de transparence, d’offres et donc une baisses des prix comparables aux autres Etats européens.

Enfin, quid du réseau VDSL 2 de Belgacom ? L’ouvre-t-on à la concurrence après l’échec cuisant de l’ancien IBPT devant le Conseil d’Etat ? Si ce réseau VDSL2 est ouvert, oblige-t-on les opérateurs du câble à faire de même ? L’urgence est là : deux opérateurs se partagent le marché du triple play. D’un côté, Belgacom (et son épouvantail low cost Scarlet). De l’autre, le câble et ses 3 opérateurs géographiquement solidaires (VOO, Telenet, Numéricâble). A côté de cela, une liste de plus en plus réduite d’opérateurs attendant depuis trop longtemps une situation plus saine et claire pour investir dans le triple play.

Le « mal » est connu. En avril dernier, à la demande du Ministre et de l’IBPT, les consultants Analysis Mason et Hogan & Hartson avaient remis un rapport édifiant, mais sans surprise, sur la situation du haut débit en Belgique. Nous l’avions d’ailleurs analysé avec un mélange de contentement, de désespoir et de désillusion.

L’ambition de Vincent Van Quickenborne est à la fois logique, urgente et presque illusoire : « Je souhaitais mettre en place un régulateur doté d’une vision stratégique forte et qui jouerait un rôle majeur dans l’évolution du secteur des postes et télécommunications. (…) Les prix ont déjà commencé à baisser mais doivent encore reculer. Je veux plus de choix pour les consommateurs et de meilleures offres. L’IBPT dont les pouvoirs ont été renforcés au printemps va dynamiser le marché pour le plus grand bien des consommateurs».

Un vent de Sibérie souffle sur l’IBPT

Le Belge aime ses services publics, surtout dans le Sud du pays. Belgacom est la solution de confiance. Belgacom emploie 15 000 personnes. « Moi je préfère payer plus cher, mais avoir de la qualité. » Les mouvements sociaux chez VOO font rage. Les « acquis sociaux » passent avant la satisfaction de la clientèle. Les câblo-distributeurs ont « signé » un pacte de non-agression, même si leur secteur est lui aussi logiquement ouvert à la concurrence depuis 15 ans. Proximus continue de proposer à ses gros clients des tarifs bien au-dessous des MTR imposés. Base n’a toujours pas allumé le feu de la 3G. Le gouvernement fédéral aime beaucoup les coupons de fin d’année de Belgacom. Telenet est une fierté pour le Nord. Les affaires de VOO se règlent dans le bureau du Bourgmestre. Vous en voulez encore ?

L’IBPT nouveau, c’est Tintin au pays des Soviets. Bonne chance !