AIR, Qt, Silverlight, Open Screen Project : le développement multi-plateforme et multi-écrans (desktop, mobile) est-il aujourd’hui devenu une évolution naturelle pour un logiciel devenu « contextuel » ? Les standards du web permettent-ils de s’émanciper petit à petit du système d’exploitation ? C’est l’avis de Serge Jespers, « Platform evangelist » chez Adobe Systems, qui a accepté de répondre à nos questions.

Comment définir une application AIR par rapport aux applications natives d’un système d’exploitation ? C’est juste un « widget » amélioré ?

C’est bien plus que ça. L’environnement d’exécution AIR est composé à la fois du lecteur Flash, mais également de Webkit et SQLite. Cela permet de développer de véritables applications de bureau qui ont accès au système de fichiers. Ces applications peuvent ainsi aller d’un lecteur de flux d’information (le NY Times Reader par exemple), à des applications professionnelles comme le Nasdaq Replay en passant par des jeux multi-joueurs comme ChessJam.

Qu’est-ce qui différencie aujourd’hui AIR d’un produit concurrent comme Qt de Nokia ? L’objectif est le même : pouvoir développer des applications multi-plateformes, non ?

Qt et AIR sont en effet très similaires dans leur fonctionnement. Elles disposent d’un environnement d’exécution capable de faire tourner des logiciels développés dans des langages différents. Avec AIR, vous développez aujourd’hui en tirant parti de JavaScript, HTML et/ou Flash/ActionScript.

C’est donc très, très différent de Silverlight de Microsoft. Pour l’instant, Silverlight reste lié au navigateur. Nous nous en sommes affranchis, pour permettre à une application de tourner nativement sur Mac OS X, Linux et Windows. Je crois savoir que Silverlight veut aussi s’émanciper du navigateur, mais il reste un long chemin à parcourir, notamment pour garantir l’accès aux fichiers locaux.

Cela signifie qu’un système d’exploitation est de moins en moins important si, grâce à des technologies comme AIR ou Qt, une application est multiplateforme ?

En quelque sorte. La période y est d’ailleurs propice. Nous voyons ainsi actuellement un gisement très important d’applications que, chez Adobe, nous appelons des « logiciels contextuels ». C’est-à-dire d’applications capables de s’adapter aux différents écrans et systèmes d’exploitation, du point de vue de la présentation ou de leurs performances, mais aussi en fonction du type de réseau ou de la bande passante disponible.

AIR est-il déjà intégré aux « bonnes vieilles applications » que vous développez chez Adobe ou c’est prématuré ?

Non, AIR est partie intégrante de notre stratégie globale : on le trouve dans CS4 et Reader, pour prendre deux exemples récents et connus. Pour l’instant, c’est encore une option dans le processus d’installation.

Nous utilisons également AIR pour le développement d’applications « maison » liées à ces suites logicielles : c’est le cas d’Acrobat.com.

Un exemple d’application vous vient-il en tête qui symboliserait les capacités actuelles d’AIR ?

Flickroom est un très bel exemple d’application utilisant le potentiel d’AIR, mais c’est un exemple parmi tant d’autres ! Je vais en évoquer une que j’utilise sur base quotidienne, Tweetdeck : c’est l’une des applications Twitter les plus populaires disponibles. Pour moi, l’application rêvée serait celle qui serait capable d’intégrer de manière la plus harmonieuse (et sexy) possible tous les univers du réseautage social : Flickr, Twitter, Facebook, etc.

Quid de l’open source ? AIR est-il opensource ?

L’environnement d’exécution, non. Nous utilisons par contre des éléments dont la plupart le sont, comme SQLite et WebKit. Le 3e élément clé, c’est le lecteur Flash. Celui-ci n’est certes pas opensource, mais nous en avons publié les spécifications des formats de fichiers et des protocoles de communication.

Nous accordons, vous le savez, une énorme importance à tout ce qui touche à l’opensource, en y contribuant activement, notamment via notre site opensource.adobe.com.

S’émanciper du navigateur, c’est bien. S’émanciper des 3 principaux systèmes d’exploitation pour rejoindre le mobile, les décodeurs numériques, c’est l’étape suivante ?

Oui et c’est précisément le travail de l’Open Screen Project. Nous travaillons avec les constructeurs, les fondeurs et les opérateurs pour offrir un environnement runtime capable de fonctionner de manière équivalente sur le plus grand nombre de terminaux possibles. Cela va, vous l’avez dit, des « set top boxes » (les décodeurs numériques qu’on trouve notamment chez les opérateurs triple play) aux consoles de jeu. Notre message aux développeurs : concentrez-vous sur vos applications et nous leur permettrons d’être déployées sur un grand nombre de terminaux. Flash Player 10.1 est justement la première pierre de cet édifice articulé autour de l’Open Screen Project.

L’étape suivante, c’est bien entendu de porter AIR sur ces terminaux « non PC », les mobiles notamment.

Cedric GODART