Build 2016 – Microsoft parle au futur simple
Certains attendaient un Surface Phone, une édition plus discrète de la XBox pour le salon et pourquoi pas une distribution gratuite de casques de réalité virtuelle. Rien de tout cela. Et pourtant, Build 2016 ne devrait pas décevoir, car Microsoft a dévoilé cette semaine à San Francisco une véritable vision de l’informatique, personnelle et d’entreprise. Voici ce que nous en avons retenu.
De notre correspondant en Californie
Ils n’ont pas encore atteint le milliard, mais la progression de Microsoft – par la force, parfois – pour imposer Windows 10 porte ses premiers fruits. 270 millions de terminaux – pas uniquement des «PC» sont aujourd’hui équipés de Windows 10. À en croire les statistiques de l’éditeur, la progression est deux fois supérieure à celle de Windows 7.
La première journée de Build 2016 met à l’honneur les chantiers que l’entreprise lance dans les douze prochains mois sur le front des systèmes, des services et des applications. Si l’orientation est plus grand public ce mercredi, il ne faut pas s’y méprendre. «C’est avant tout une conférence pour les développeurs», martèlent les intervenants tout au long des 2h15 de présentations.
La preuve? Applaudissements à l’annonce de l’arrivée de Bash, une console sur laquelle Microsoft a travaillé avec Canonical, l’éditeur d’Ubuntu. Les commandes Unix/Linux font donc leur apparition – impensable il y a quelques années encore ! -. Windows souhaite devenir le hub privilégié des développeurs : qu’ils travaillent pour Windows, Android ou iOS.
Microsoft avait prévenu, le socle Windows 10 est là pour durer. Une mise à jour «anniversaire» du système d’exploitation sera proposée aux utilisateurs dès cet été. En vrac : l’identification faciale Hello se propage sur de nouveaux écrans, la reconnaissance biométrique intègre le navigateur Edge – toujours réservé à Windows – et la Xbox accueille enfin les applications universelles.
«On n’a jamais connu un meilleur moment pour être un développeur Windows», s’amuse Bryan Roper. Il introduit également Windows Ink, une nouvelle technologie de stylet, capable de décrypter votre écriture et de rendre l’écriture aussi naturelle que sur du papier. Objectif : en finir avec l’encre et les tableaux blancs en entreprise. Même une latte virtuelle donne l’impression de travailler à l’écran comme on le ferait sur du papier.
Hololens est longtemps resté un rêve. Dès aujourd’hui, les développeurs peuvent recevoir un kit leur permettant de tester la technologie sans passer par une démonstration très encadrée. Ils peuvent aussi programmer les futures applications Windows 10 en réalité augmentée. La démonstration proposée par la Case Western University fait sensation. Les professeurs, médecins et futurs docteurs peuvent travailler sur un corps humain ou des IRM modélisés. La NASA lance «Destination Mars», une expérience de voyage sur mars racontée par… Buzz Aldrin. Les industriels sont à la fête – Volvo, Audi, Dassaut, NASA et bien d’autres. L’annonce du jour n’est pas sans rappeler l’échec cuisant de Google avec ses lunettes connectées, d’où l’idée d’axer la communication Hololens autour des points forts de cette technologie aujourd’hui, ses applications industrielles concrètes. Il ne s’agit plus d’un gadget pour early-adopter, mais du début de ce que l’on pourrait qualifié de «collaborateur augmenté» (par la machine).
Cortana et Skype font l’objet d’une attention particulière. Leurs propres développements se jouent des systèmes d’exploitation. Les technologies seront disponibles et complémentaires d’un appareil à l’autre, qu’il s’agisse d’un système Windows, Android et, dans un futur proche, iOS. Cortana dispose de fonctions de reconnaissance du langage contextuel. Elle peut ainsi gérer votre propre calendrier, deviner qu’une fois la conférence et vos rendez-vous terminés, vous avez peut-être besoin d’un vol ou d’un billet de train. Pour un rendez-vous, elle peut suggérer des restaurants – et même réserver une table -. Skype bénéficie de cette nouvelle intelligence – quelle que soit la plateforme, une fois encore -. Des bots y font leur apparition. Nous entrons dans l’ère de la « Conversation as a platform », répète Satya Nadella. Skype disposera désormais de bots intelligents, avec ou sans Cortana. Il est ainsi possible de dialoguer avec le bot d’une entreprise ou d’un service en ligne. Si l’échange devient trop complexe, le bot transfère la conversation à un être humain. «Ce n’est pas l’humain contre la machine, c’est la machine avec l’être humain», précise le CEO. Des actions opérées jusqu’ici sur des sites web (commandes par exemple) et des apps se font par l’intermédiaire d’un bot. Enfin, Skype s’offre également le luxe d’être disponible pour Hololens, le casque de réalité virtuelle sous Windows 10. Ce n’est – presque – plus de la science fiction. Une conversation Skype peut être lancée dans un environnement 3D.
L’année à venir est bien engagée pour l’éditeur, dans une longue évolution – qui démarre à peine, entend-on avec un mélange d’humilité et d’excitation malicieuse – où les ordinateurs ne sont plus simplement des écrans, mais une forme d’intelligence à nos côtés, sur une multitude de terminaux, avec ou sans écrans, au stylet ou au clavier, à la voix ou en réalité augmentée… et même pour les non-voyants. Dans ce cheminement sensible – au moment où le débat sur les échanges privés/cryptés fait rage aux États-Unis-, Microsoft s’impose plusieurs principes : interaction humaine, confiance, respect et inclusion.
Pas une seule fois le mot révolution n’a été utilisé. Le discours a très largement été marqué par l’ouverture, l’interopérabilité et l’absolue nécessité de séduire des développeurs concentrés sur Android et iOS. Enfin, pour l’anecdote, la place des femmes dans les présentations sur scène donne aux orateurs d’Apple dans pareil exercice un petit air de… «baby boomers».
Sans grand fracas, Microsoft a appris de ses erreurs et prouve une nouvelle fois que l’éditeur a compris dans quel environnement nous vivons – particuliers, entreprises, développeurs -, comment et où il peut y répondre. Maintenant.