Le gourou d’Apple s’est essayé à une nouvelle arrogante opération de communication. Le fossé se creuse entre les adeptes et les athées.

Cette semaine, dans un commentaire audio envoyé aux actionnaires et investisseurs de son entreprise (session de questions-réponses), Steve Jobs s’est adonné à un exercice qu’il maîtrise de manière remarquable. Avec une éloquence parfaite et un choix assumé des mots, il a envoyé une batterie de roquettes aux produits concurrents. Les deux victimes sont RIM et Google.

BlackBerry, son modèle économique et son projet de tablette tactile, constituent une pierre dans le jardin d’Apple. Mais Steve Jobs estime que l’entreprise canadienne court derrière l’iPhone 4 dont les ventes seraient supérieures à l’ensemble de la gamme BlackBerry (au mois de septembre). La tablette PlayBook, elle, avec son écran de 7 pouces de diagonale n’aurait aucun potentiel car cette taille n’est pas adéquate pour ce type d’appareil. Jim Balsillie, co-président de RIM, voit rouge: « nous pensons que beaucoup de consommateurs commencent à être fatigués qu’Apple leur dise quoi penser ». Il revient sur les chiffres, les faits: Steve Jobs oriente les statistiques en comparant des périodes différentes, en oubliant le moment creux qui a précédé l’iPhone 4. Jim Balsillie souligne à propos du PlayBook que le flash y sera intégré et proposera une vraie expérience internet, contrairement à l’iPad et son écosystème fermé.

Le meilleur reste pour Google. La fragmentation d’Android, le cauchemar des développeurs. Steve Jobs prend pour exemple les difficultés rencontrées par TweetDeck, par ailleurs excellente application sociale. Le patron de TweetDeck, Iain Dodsworth, n’a pas hésité un seul instant à répliquer via Twitter en expliquant que seuls deux programmeurs ont été requis pour produire la version Android. Ce qui amoindrit le souci issu de la fragmentation des versions et des configurations des multiples appareils équipés. De nombreux commentaires de développeurs abondent dans ce sens: il s’agit plutôt d’une chose extraordinaire de pouvoir produire sur une plateforme une application qui s’adapte à autant d’appareils. Bref, la bataille s’enlise.

Andy Rubin, le grand manitou d’Android, s’est lui aussi fendu d’un commentaire envoyé sur Twitter pour défendre le caractère ouvert, mis en doute par Steve Jobs, du système d’exploitation en donnant les quelques lignes de commande qui donnent accès au coeur du système afin de le télécharger et de le compiler.

Ces exemples de réplique montrent qu’Apple doit effectivement faire face à une concurrence plus rugueuse et prête à réagir rapidement. Ces échanges révèlent par contre quelque chose d’inquiétant: les médias exclusivement dédiés à la pomme entretiennent la bonne parole de Steve Jobs, évoquant avec dédain les réponses des entreprises attaquées. Nous n’irions pas jusqu’à conclure qu’il est important d’abrutir le lectorat Apple pour qu’il continue à acheter des produits aveuglément mais les similitudes avec certaines religions sont sidérantes. Effrayantes.