Pas de Chrome sous Windows RT. Youtube moins brillant et Maps inaccessible sur Windows Phone. Fin d’ActiveSync pour les comptes Google. La chassé-croisé de communiqués et de noms d’oiseaux se poursuit entre Google et Microsoft. Deux modèles, deux stratégies: une véritable guerre froide.

Comme l’histoire se retourne, parfois! Microsoft n’a pas convaincu cette semaine la commission de régulation du commerce américain, la FTC, que Google exerce des mesures de rétorsion contre les utilisateurs n’ayant pas choisi iOS ou Android. Les mots employés par les avocats et porte-paroles de Redmond ne sont pas tendres: emmenés par Dave Heiner, Vice President & Deputy General Counsel de Microsoft, ils parlent de consommateurs et concurrents « scrooglés » (screwed – arnaqué – by Google). Une enquête similaire pour abus de position dominante est d’ailleurs en cours en Europe, devant la Commission Européenne.

Le nettoyage sélectif de Google

Jusqu’ici, Google Sync permettait l’accès à Gmail, Google Agenda et Google Contacts sur n’importe quel appareil compatible avec le protocole Microsoft Exchange ActiveSync. La fonction va disparaître le 30 janvier prochain et sera remplacée par un protocole plus ouvert, CardDAV. Il ne sera ainsi plus possible de configurer un compte Google depuis un Windows Phone à cette date, même si les comptes actuels continueront de pouvoir bénéficier d’Exchange pour une durée indéterminée. Terminé également de synchroniser un compte Google Apps sur un BlackBerry en achetant à grands frais la solution AstraSync. Et ce n’est pas tout: Google Sync pour Nokia S60 et le service SyncML (largement utilisé sur des appareils Nokia ou Sony Ericsson plus anciens) seront eux aussi abandonnés. Si Google estime que la solution est d’utiliser le site web mobile m.google.com, on peut douter du sex appeal du résultat. Voyez plutôt:

Solution: Microsoft, Astrasync et RIM vont devoir rapidement trouver une parade et introduire le support de CardDAV pour ne pas léser une énorme partie des utilisateurs de produits Google – Gmail, Google Drive, Maps, etc. -. Il serait illusoire de croire en l’arrivée rapide d’applications natives: Google a récemment estimé inutile tout effort de développement pour Windows Phone.  Deux terrains sont privilégies: le système Android et l’incontournable iOS, où sont proposés Gmail, Youtube, Google Maps et même Chrome sous forme d’applications natives. Microsoft, dans son rôle d’éditeur, a plutôt bien distribué ses cartes: la plupart de ses applications sont aussi présentes tant sur Windows Phone qu’iOS et Android – Hotmail, Skydrive et bien entendu Skype -.

Dernier épisode en date de cette interminable mise sur le banc de touche du système mobile de Microsoft? Google Maps. Faute d’application native officielle, le site mobile maps.google.com redirigeait depuis quelques jours vers la page d’accueil de Google, comme a pu le constater The Next Web. Une décision liée à des performances insuffisantes dans des versions plus anciennes d’Internet Explorer, selon un porte-parole de Google ce week-end. Faux, ont rétorqué une horde d’internautes, qui ont salué les bonnes performances de Google Maps en HTML5 sur les versions les plus récentes d’IE pour Windows Phone 8. Résultat : le service – optimisé de l’aveu de Google pour les navigateurs Webkit, mais capable de tourner sans le moindre problème avec Gecko, moteur de Firefox! – sera rétabli dans un délai assez court.

Une histoire de « concurrence » et non de « compatibilité », selon Microsoft.  La croissance du système Windows Phone ne peut en effet aujourd’hui se passer d’un certain nombre d’applications indispensables. S’il est relativement hasardeux d’estimer qu’Instagram représente un facteur décisif d’achat d’un smartphone, difficile de passer à côté de Gmail et Youtube. Car pour ce dernier, en l’absence d’APIs permettant d’accéder simplement aux métadonnées, les développeurs doivent contourner sans cesse un système qui évolue en permanence. Quel constructeur sérieux pourrait se passer de Youtube aujourd’hui? Certainement pas RIM, dont le renouveau du BlackBerry a encore tout à prouver le 30 janvier prochain.

Le bras de fer s’origine peut-être également dans la décision de Microsoft de fermer la porte à ses concurrents sur le terrain des navigateurs Internet, « pour l’instant ». Les tablettes Windows 8 (RT) ne laissent en effet pas la possibilité à des éditeurs tiers de proposer un navigateur alternatif – tout comme Apple l’a longtemps refusé sur iOS aux concurrents de Safari qui n’utilisaient pas son propre moteur, jusqu’à l’avènement d’Opera Mini – comme Chrome, Firefox ou Opera.

L’enjeu pour Google est de taille et ce n’est certainement pas un hasard si, faute d’avoir pu développer Chrome pour les tablettes Windows RT, une application Google officielle a été lancée pour la recherche sur Windows Phone 8 et surtout Windows 8 RT. Cette dernière fait également office de portail vers les différentes applications web de Google.

La nébuleuse Android versus le consolidé Windows Phone?

La position dominée de Microsoft sur le marché des mobiles et des tablettes n’est plus aussi désespérée qu’on pouvait le penser en 2012.  En cause: l’impulsion d’une ligne de produits cohérente sous la bannière Windows 8 et une série de terminaux qui semblent remporter un vif succès, notamment le Lumia 920 et les derniers HTC 8X, pour lesquels la demande s’affirme aux Etats-Unis et en Europe.

Microsoft peut se targuer de disposer d’une série de partenaires fiables, bien décidés à innover en permanence, au premier rang desquels Nokia (photographie, cartographie, conception). Face à cela, Android et ses alliés difficiles faire rentrer dans le rang: Sony et sa vision jetable des terminaux Android, LG et son interminable retour en force, Samsung, actif sur plusieurs OS mobiles en même temps et à la recherche de son indépendance (Tizen).

S’il est aujourd’hui acquis que Google a remporté la bataille des systèmes mobiles en nombre – Apple conservant pour l’instant la très enviée première place du podium en valeur -, l’offensive commerciale de Microsoft et de Nokia – mais aussi HTC et bientôt Samsung – semble remporter un succès qui devrait se mesurer plus précisément à la fin du premier trimestre 2013.

Outre la bonne tenue du système, Windows Phone adopte une politique plus stricte que Google en matière de spécifications techniques et d’évolutivité du système d’exploitation. La chienlit des versions d’Android sur le marché, l’absence d’évolutivité complète de certains terminaux, sont autant de sources de mécontements auprès des utilisateurs. Près d’un terminal sur deux utilise encore Android 2.3 à l’heure où nous écrivons ces lignes. Traduction? Un Android sur deux ne peut pas accéder à Chrome ! A peine un tiers a passé la barre de la version 4.0 et seulement 9% des appareils ont eu droit à Jelly Bean, présenté en juin dernier.  Il faut dire que les constructeurs partenaires de Google ne font rien pour améliorer cette image: le Sony Xperia U sorti l’été dernier ne sera pas capable d’exécuter Android Jelly Bean, alors des terminaux techniquement proches chez Samsung et LG le pourront.

Pendant ce temps, chez Apple, rien, pas un mot, pas un geste. La force tranquille est probablement occupée à préparer une nouvelle offensive sans coup férir. Il faut dire que le titre AAPL a été plutôt malmené en bourse ces dernières semaines. Seul frémissement, de courte durée? La rumeur d’une iTV.