S’il est aisé de s’émouvoir de la fin de la neutralité du web aux Etats-Unis, il n’est pas inutile de rappeler que chez nous, ce principe n’a jamais été appliqué. Pire: l’absence de neutralité profite majoritairement à des entreprises étrangères.

C’est fait ! La FCC américaine, que l’on peut comparer à notre petite IBPT, a approuvé une mesure supprimant les règles qui assurent un accès égal à n’importe qui aux autoroutes de l’info. Cela signifie concrètement que les opérateurs pourront filtrer, prioriser et ralentir le trafic vers des services spécifiques. Exemple: si un fournisseur d’accès estime que Netflix nuit à la fluidité de son réseau, il pourrait très bien facturer ces échanges, en plus du forfait mensuel. D’autant plus s’il a mis au point un concurrent qui peine à décoller.

Toutefois, il ne faut pas voyager bien loin pour connaître l’impact de l’absence de neutralité. Les opérateurs belges ont, de tous temps, usé d’opérations marketing en aménageant quelques faveurs pour des produits maison, pour l’utilisation de réseaux sociaux ou pour le trafic vers une application spécifique.

Proximus Favoritus

Pas de chance pour Proximus, c’est le premier nom qui vient en tête pour illustrer à merveille le favoritisme. (Presque) tous les abonnements disposant d’au moins une carte SIM autorisent un volume de téléchargement à volonté via la 4G sur une des six applications sélectionnées. Citons-les: Facebook, WhatsApp, Snapchat, Twitter, Instagram et Pokemon GO. Pour une entreprise qui se dit proche de l’écosystème numérique belge, drôle de manière de soutenir les start-ups et les développeurs que d’ouvrir totalement les vannes à des mastodontes américains. Si, demain, vous pensez qu’il est temps de lancer un concurrent de WhatsApp, vous partez déjà avec un léger handicap. En Belgique, du moins.

Nous pourrions également souligner le fait que, sur la paire cuivrée, Proximus donne la priorité à son service télévisuel. Mais c’est, somme toute, assez logique. Proximus TV ne doit pas être perturbé si le reste de la famille télécharge à plein régime. Il ne s’agit, finalement, de rien d’autre que d’un streaming vidéo amélioré que les clients paient un certain prix. Quoi de plus de normal que de lui octroyer une bande passante garantie.

Orange sociale

Certes, Orange Belgique ne pousse pas le bouchon si loin contre la neutralité mais l’opérateur offre tout de même un supplément de quota de 500 Mo uniquement pour accéder à Facebook et Twitter sur sa carte prépayée Tempo Touch. Il fût une époque où ce bonus était bien plus présent dans la gamme prepaid.

Telenet, Base et Voo réglos (pour l’instant)

Selon nos recherches, il n’existe, actuellement, pas de priorité flagrante octroyée à un service spécifique sur l’infrastructure de Telenet et de Voo. Il est plus que probable que les produits tels que Yelo, Voomotion et Betv Go profitent d’une voie plus dégagée si le trafic se densifie.

La neutralité reste toujours très relative

Enfin, même si certains opérateurs paraissent parfaitement blancs, une certaine gestion globale du téléchargement de données existe. Des fabricants comme Nokia et Ericsson ont même imaginé un système de cache directement intégrés aux antenne-relais pour les sites les plus gourmands et les plus visités, accélérant leur affichage sur les téléphones.

Ensuite, l’avènement de la 5G apporte de nouvelles question. Faudra-t-il s’assurer que les capteurs de milliers de véhicules lancés à 120 km/h sur une autoroute communiquent plus rapidement que la tablette du gamin qui charge un dessin animé sur Netflix ? Deviendra-t-il plus urgent qu’un chirurgien puisse opérer à distance plutôt que de garantir des centaines de direct d’un concert sur Facebook ?

Certainement. Mais où placerons-nous la limite ?