38,14 millions de smartphones ont été vendus au dernier trimestre de l’année 2008. La crise a beau toucher l’ensemble du secteur, certains constructeurs gardent la tête hors de l’eau : RIM, Samsung, Apple et HTC se distinguent. Les analystes ne sont pas toujours d’accord : IDC, Gartner et NPD voient toutefois le bout du tunnel d’ici une bonne année.

L’audace et l’innovation ont-elles raison du pessisme ambiant ? Certes, les résultats de Nokia, LG, Sony Ericsson et Motorola se sont montrés ternes au 4e trimestre de l’année 2008. Mais le salut semble venir du segment haut de gamme, celui des smartphones, qui conservent une santé de fer.

La chute douloureuse de Symbian

Inutile d’appuyer sur le curseur : tout le monde aura remarqué que le leadership ) – insolent et donc fragile – de Nokia est mis à mal. Le leader a vu sa part de marché reculer fortement, de 50% à 43,7%. Le système d’exploitation Symbian ne peut désormais plus se payer le luxe d’une nouvelle chute.

La Fondation Symbian – on y retrouvera notamment Nokia, Sony Ericsson, Samsung – va devoir faire preuve d’innovation et d’audace. Symbian OS a perdu de sa superbe. De 62 %, le système d’exploitation passe à 47 %. UIQ – excroissance de l’OS – a cessé d’exister fin 2008, après la calamiteuse gestion de Sony Ericsson et Motorola : cela n’arrange rien au tableau Symbian.

Vendeur de systèmes Symbian depuis de nombreuses années, Sony Ericsson a adopté une stratégie nulle et absurde sur ce segment ces derniers mois. Aucun successeur n’est venu épauler son P1 en 2008. C’est inexcusable. Seul le X1, douloureuse première incursion sous Windows Mobile, a animé la fin de l’année. Avec un succès à la hauteur des retours en usine des premières productions. Aucun terminal professionnel ne semble annoncé à courte échéance. Inquiétant.

Android est la valeur à suivre

Android perce de 19 %, malgré une disponibilité très discrète sur le marché mondial. Android est indubitablement un système à surveiller, dès que l’offre aura pris davantage d’ampleur. Son « Android Market » distribuera désormais des applications payantes. Tout prend forme, mais avec retard et une certain… désorganisation.

Alors qui sont les rescapés et les bénéficiaires de cette chute historique ? Windows Mobile dans une moindre mesure, qui grapille quelques pourcents, mais surtout Mac OS X, Android et… Blackberry OS. Le canadien Research In Motion Le père du BlackBerry, RIM, arrive désormais en seconde position du palmarès avec 16,6% de part de marché. La hausse est spectaculaire : 9,6% en un an.

Juste derrière, on trouve Apple et 8,2%, contre 2,7% un an en 2007. HTC et Sharp (4,2% et 3,8%) ferment ce top 5 trimestriel.

Apple sous-performe et agace

Il n’est pas certain qu’Apple échappe à la morosité : selon une étude menée par NPD et Pipper Jaffray, la Pomme sera cette année victime d’un recul de ses ventes d’ordinateurs et de terminaux mobiles, une première depuis 5 ans. L’analyste table sur une baisse de 6 à 15 % des ventes d’iPod et iPhone. La marque a tout de même doublé ses ventes d’iPhone à 4 millions d’exemplaires au dernier trimestre. Plus faible que prévu selon Gartner, qui scrute les courbes du marché !

4 millions d’exemplaires vendus, bravo, mais on oublie souvent de signaler que Samsung a fait aussi bien qu’Apple sur la même période avec son premier Omnia, sous Windows Mobile.

Alors qu’une version 3.0 du système d’exploitation mobile d’Apple sera présentée ce 17 mars, il est fort à parier qu’une nouvelle mouture du téléphone qui est sur toutes les lèvres se fasse connaître rapidement. Au-delà du succès d’estime, il faut répondre à une concurrence désormais très rude. Le modèle-même de distribution du téléphone – relativement cher, disponible en quantités réduites, bloqué dans de trop nombreux pays – ne contribue pas à une désormais nécessaire explosion des ventes.

Ajoutez à cela une politique d’acception des logiciels de plus en plus controversée, de nature à freiner l’ardeur des développeurs. Exemple : L’application Twitie, qui n’est plus un cas isolé, interdite de mise à jour sur l’App Store parce qu’elle contenait le mot « fuck ». Du pain béni pour la fameuse application Cydia, présentée cette semaine par l’Expansion comme le refuge des « applications iPhone échappant à la censure d’Apple » : « Ouvert il y a un peu plus d’un an, ce dernier est le plus abouti, et contient déjà des milliers de « packages », applications interdites, sonneries ou thèmes d’écran gratuits, également bannis. » Cydia symbolise le jailbreak, cette pratique destinée à « ouvrir » un système d’exploitation fermé et étouffé par la surveillance constante d’Apple.

L’inattendue percée de RIM

Maîtriser le matériel et le logiciel est peut-être la méthode qui réussit tant à RIM. Critiqué sans ménagement à sa sortie, le BlackBerry Storm est un succès de ventes. L’entreprise annonce une croissance de 85 %, à 7,4 millions d’exemplaires. Le Bold et le Curve 8900 se vendent eux aussi très bien. Aucun signe d’essoufflement pour l’instant.

RIM s’appuie sur un modèle solide. Une vente à prix élevé, couplée à un abonnement spécifique, facturé entre 9 et 18 euros pour les utilisateurs les moins « rentables » – nettement plus pour les entreprises ayant décidé de faire l’acquisition d’un serveur dédié -.

Petit à petit, sans importante couverture médiatique, la société a métamorphosé son offre logicielle. Après s’être limitée longtemps aux seuls hommes d’affaires, la cible s’est déplacée vers un plus large public. Les derniers terminaux de la marque embarquent un appareil photo moins « gadget », un lecteur multimédia de qualité et une foule d’applications couvrant tous les aspects de la « vie numérique » de l’utilisateur : Facebook, Live Messenger, Google Talk, FlickR, MySpace même. L’ensemble des applications s’intègrent au carnet d’adresse et à l’agenda de l’utilisateur. Tout semble communiquer naturellement, à la mode « Palm Pré ». La mutation tranquille et discrète doit rassurer : le succès est au rendez-vous.

Ajoutez à cela un imminent « App Store » à la « Android Market » ou « iPhone App Store ». Depuis quelques jours, les développeurs BlackBerry peuvent déposer leurs applications sur App World, certains de conserver 80 % des recettes (contre 70 % pour Apple). RIM et les opérateurs mobiles se partagent les 20% restants. Tous les modèles de la marque y auront accès, à partir de la version 4.2.1 de l’OS. Le paiement s’effectuera via un compte Paypal. Premier prix si l’application n’est pas gratuite : 2,75 euros. Un prix d’appel qui, s’il n’est pas aussi bas que sur l’App Store d’Apple, ne représente qu’un investissment très faible pour un utilisateur avide de nouveautés et, généralement, peu regardant sur la dépense.

En attendant 2010 ?

IDC tempère l’optimisme de Gartner, estimant que la croissance sera négative en 2009, même pour les smartphones. Les marchés « mûrs » sont tous touchés : Japon, Etats-Unis et Europe occidentale accusent des déclins de 12 à 24,6 % des ventes. Même les marchés émergents ne donnent plus aucun signe de croissance à deux chiffres. La reprise n’est pas si lointaine selon IDC : elle est annoncée pour 2010.